#Observations sur les compétitions

Gardiennes : Défense du but et gestion de la profondeur

FIFA, 11 août 2023

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Nadine Angerer, ancienne gardienne internationale allemande, et Pascal Zuberbühler, expert footballistique de la FIFA, ont suivi de près les matches de la Coupe du Monde Féminine de la FIFA 2023™, en accordant une attention toute particulière à la prestation des gardiennes.

Sur les 56 rencontres disputées lors de la phase de groupes et des huitièmes de finale, au moins une des deux équipes est parvenue à garder sa cage inviolée lors de 51 d'entre elles. Par ailleurs, 46% des sélections ont réussi à ne pas encaisser de but au moins une fois dans cette compétition, contre 33% lors de la Coupe du Monde Féminine de la FIFA 2019™. Dans cet article, Angerer et Zuberbühler évoquent certains facteurs techniques propres au poste de gardien expliquant cette amélioration. 

Pour ne pas prendre de but au cours d’un match, une équipe doit avoir une organisation défensive collective dans laquelle chaque joueuse a un rôle à jouer. Dans le football actuel, les gardiennes sont appelées à s'impliquer de différentes manières dans le jeu de leur équipe, mais leur objectif numéro 1 reste malgré tout d’empêcher l’adversaire de marquer. S’interposer sur les frappes et gérer l’espace situé dans le dos de la défense en cas de ballon en profondeur représentent deux des principales interventions que les derniers remparts se doivent de maîtriser. Ces deux aspects sont au cœur de l’analyse de Zuberbühler et Angerer concernant la prestation des gardiennes en Australie et en Nouvelle-Zélande. 

Points clés

  • Le placement des gardiennes et leur prise de décision jouent un rôle clé dans leur capacité à s’interposer en cas de frappe. En effet, le placement initial de la gardienne ainsi que ses déplacements en fonction du ballon conditionnent la possibilité d’intervenir efficacement.  

  • La plupart du temps, les gardiennes doivent se montrer explosives sur leurs interventions, qui exigent à la fois vitesse et puissance. Les gardiennes modernes doivent être très réactives et athlétiques pour empêcher le cuir de franchir la ligne.  

  • La « position d’attente » désigne la position optimale que doit adopter la gardienne en prévision d’une frappe.

  • Que la gardienne défende son but ou un espace, il est impératif qu'elle communique avec sa défense et qu'elle connaisse le rôle de ses partenaires. 

POSITION D’ATTENTE ET DÉFENSE DU BUT

La gardienne doit se mettre en position d’attente dès qu’une adversaire est en position de frappe. Pour cela, elle doit être solide sur ses appuis, avoir les genoux légèrement fléchis, le buste droit et les mains en avant De cette façon, la gardienne se prépare à intervenir et augmente ses chances de réagir rapidement avec différentes parties du corps en cas de tir.

Le pourcentage de gardiennes qui se trouvent en position d’attente au moment d'intervenir sur une tentative adverse est passé de 71% en 2019 à 87% en 2023 (sur les 56 premiers matches). Cela s’explique grâce à des déplacements plus rapides, une meilleure prise de décision et de meilleures qualités athlétiques chez les gardiennes dans cette compétition. 

« Effectuer des parades pour défendre son but représente l’essence même du rôle de gardien », affirme Zuberbühler. « Nous avons remarqué que les gardiennes gèrent mieux les différentes situations et sont mieux placées au départ de l’action. Dans cette compétition, elles maîtrisent vraiment les fondamentaux permettant d’intervenir rapidement, ce qui est indispensable à ce poste. J’ai observé de nombreuses compétitions et j’ai remarqué une grosse progression dans les arrêts, aussi bien en termes de qualité que de variété. »

Si le pourcentage d’arrêts avec les mains est passé de 74% en 2019 à 78% en 2023, il y a également plus de tentatives depuis l’intérieur de la surface, ce qui implique que les gardiennes ont moins de temps pour réagir en raison de la distance moindre que le ballon doit parcourir pour franchir la ligne.

Angerer et Zuberbühler ont sélectionné quatre extraits permettant de mettre en avant et de décortiquer certains éléments techniques essentiels ayant une influence sur la capacité des gardiennes à effectuer des arrêts décisifs et complexes. Les deux spécialistes insistent sur le fait que la réussite de ces interventions ne doit rien au hasard, mais qu’elle s’explique au contraire par un environnement d’entraînement efficace permettant aux gardiennes d’être confrontées à des exercices de mise en situation au cours desquels elles sont amenées à travailler avec leurs défenseures. 

Vidéo 1 Van Domselaar, la gardienne néerlandaise, remporte son 1 contre 1 tandis que sa défenseure revient pour protéger le but.
Vidéo 2 Er-Rmichi, la gardienne marocaine, met en avant ses qualités athlétiques sur cet arrêt du pied.
Vidéo 3 Yamashita, la gardienne japonaise, se déplace rapidement dans ses six mètres en fonction du ballon avant de s’interposer sur une tentative rapprochée.
Vidéo 4 Dynamique sur ses appuis, la gardienne suédoise (Mušović) effectue des pas d’ajustement rapides pour être prête à plonger sur la demi-volée.

Vidéo 1 Position de départ, prise de décision et relation avec les défenseures
Zuberbühler : « Daphne van Domselaar (1) est très efficace en 1 contre 1. La première chose à faire consiste à décider s’il faut défendre son but ou une zone. En l’occurrence, l’attaquante adverse a la maîtrise du ballon et la gardienne néerlandaise sait qu’elle devra aller au duel. Le fait de sortir de sa ligne et de se placer à quatre mètres seulement de l’attaquante lui a permis de réduire l’angle. Van Domselaar a fermé son premier et son second poteau. Elle oriente très bien son corps, face au ballon, et se met en position d’attente. »

« J’apprécie aussi le fait que van der Gragt (3), la défenseure la plus proche de l’action, se replie sans chercher à intervenir. Elle fait confiance à sa gardienne et se contente d’aller défendre la ligne. Van Domselaar remporte son duel avec l’aide de ses défenseures, et elle est bien placée pour poursuivre son action et s’emparer du ballon en deux temps. »


Vidéo 2 Arrêt du pied
Angerer : « Dans cette vidéo, nous voyons parfaitement qu'il est capital d’être bien positionné au départ de l’action et d'orienter correctement son corps pour réussir un arrêt du pied. Khadija Er-Rmichi (1), la gardienne marocaine, adopte une bonne position d’attente et la distance de huit mètres par rapport à la porteuse de balle lui permet d’intervenir avec les mains et avec le pied. Elle a remarqué qu'une de ses défenseures tente de s’interposer et elle décide donc de rester au niveau de son poteau. » 

« Les arrêts du pied sont plus fréquents dans le football moderne, et cela peut s’expliquer par une meilleure préparation athlétique. Lancer son pied permet également de réagir plus rapidement que si l’on essaie d’aller au sol pour intervenir avec les mains. Sur la frappe, Er-Rmichi met en avant ses qualités athlétiques en étirant sa jambe pour dévier le ballon du pied droit. Il faut également souligner le fait qu’elle se relève rapidement pour se remettre sur ses appuis. »


Vidéo 3 Placement et déplacement en fonction du ballon
Zuberbühler : « L’époque où les gardiennes restaient immobiles sur leur ligne est révolue et nous avons ici un parfait exemple de capacité à se déplacer rapidement dans ses six mètres en fonction du ballon. Contre la Norvège, Ayaka Yamashita (1) adapte parfaitement son placement en suivant l’évolution de l’action. »

« Son placement initial est bon, mais la gardienne japonaise l’ajuste au moment où l’attaquante adverse s’approche de la cage et élimine sa défenseure : elle avance pour couvrir son premier poteau tout en prenant soin de rester face au jeu. Cette bonne orientation corporelle lui permet de se déplacer rapidement le long de sa ligne, puis de se mettre sur ses appuis au moment où le centre arrive au second poteau. Sur la remise de la tête, Yamashita se retourne pour voir d’où peut venir le danger. La qualité de ses appuis lui permet à nouveau de se replacer rapidement, au centre de la cage, de se mettre en position d’attente avant même que l’attaquante norvégienne ne touche le ballon, à sept mètres de la ligne, et de réaliser un superbe arrêt réflexe. » 


Vidéo 4 Qualité des appuis
Angerer : « Nous avons constaté que les gardiennes sont plus physiques et mieux préparées, ce qui leur permet d’être plus rapides et explosives au moment de plonger. Zećira Mušović (1) fait étalage de ces qualités sur une intervention suite à un centre en retrait. »

« Très bien placée au départ de l’action, la gardienne suédoise réalise des petits pas d’ajustement et demande à ses défenseures de monter suite au changement de jeu. La rapidité et la qualité de ses appuis sont impressionnantes. Sur le centre en retrait, Mušović est déjà positionnée, prête à s’élancer pour détourner la frappe de sa main ferme malgré la rapidité d’exécution de l’attaquante adverse sur cette demi-volée en première intention. » 

Gestion de la profondeur

Les gardiennes doivent faire preuve de courage, de détermination et partir dans le bon tempo lorsqu’elles veulent défendre un espace dans le dos de leurs arrières. Dans ces situations, la gardienne doit en premier lieu repérer si une de ses défenseures se situe entre elle et la porteuse du ballon. Si ce n’est pas le cas, la gardienne doit se demander si son placement lui permet de défendre l’espace, ou s’il est plus prudent de défendre son but. Si l’une de ses coéquipières peut arriver en premier sur le ballon, la gardienne doit se rendre disponible pour aider son équipe à récupérer la possession.

La relation gardienne-défenseures est l’un des aspects les plus importants dans la gestion de la profondeur. Les défenseures doivent savoir quand laisser de l’espace à leur gardienne et quand aller protéger le but. Elles doivent faire confiance à leur portière et éviter d’entraver ses interventions.

Comme le montrent Angerer et Zuberbühler à travers les vidéos ci-dessous, la position initiale, les qualités athlétiques, la communication et la prise de décision jouent un rôle clé dans ces situations.

Vidéo 5 Musonda, la gardienne zambienne, attaque l’espace devant elle pour dégager des deux poings.
Vidéo 6 Thalmann, la gardienne suisse, est parfaitement bien placée au départ de l’action et met en avant ses qualités athlétiques avec ce plongeon dans les pieds.
Vidéo 7 Naeher, la gardienne américaine, se coordonne parfaitement avec Ertz, sa défenseure centrale, pour défendre l’espace et réaliser une intervention décisive.

Vidéo 5 Placement de la ligne défensive et gestion de la profondeur par la gardienne
Zuberbühler : « La rapidité de Catherine Musonda (1), sa puissance et sa capacité à bien attaquer le ballon sont essentielles ici. Au lieu de rester sur sa ligne et d’attendre que le centre arrive à destination, la gardienne zambienne gère parfaitement la profondeur en allant boxer le ballon des deux poings, à 11 mètres de sa ligne. Son excellente prise de décision et son courage sur cette sortie méritent d’être soulignés. » 

« Il était très important que sa défense soit placée haut sur cette action, car cela lui a permis d’intervenir. Il s’agit d’un superbe exemple de coordination gardienne-défenseures. »


Vidéo 6 Position de départ et qualités athlétiques dans la défense de l’espace
Angerer : « Contre l’Espagne, Gaëlle Thalmann (1) a illustré l’importance que revêt la position de départ par rapport à sa défense quand il s’agit de gérer la profondeur. Lorsque le ballon arrive dans sa surface, la gardienne suisse reste à quatre mètres de sa ligne. Cette décision va s’avérer capitale. »

« Une fois la passe effectuée dans le dos de sa défense, Thalmann avance rapidement et fait parler son explosivité pour dévier le ballon du bout des doigts. Cette intervention demande une excellente maîtrise technique et une très bonne préparation physique pour pousser avec la jambe droite tout en restant parfaitement gainée au moment de l’impact. Si elle était partie ne serait-ce que 50 cm plus bas, Thalmann n’aurait pas pu réussir cette intervention. » 


Vidéo 7 Relation gardienne-défenseure dans la gestion de la profondeur  
Angerer : « La relation entre la gardienne et les défenseures ainsi que la notion de confiance sont capitales quand il s’agit de gérer la profondeur. Les défenseures doivent créer l’espace nécessaire et laisser le soin à la gardienne de le protéger, tandis que cette dernière doit se montrer déterminée et rapide dans ses interventions. Nous avons remarqué un exemple de relation réussie lors du match opposant les États-Unis à la Suède, avec une très bonne coordination entre Alyssa Naeher (1), la gardienne américaine, et sa défenseure sur un ballon en profondeur. »

« Au départ de l’action, la ligne défensive est placée haut, ce qui permet à Naeher de contrôler l’espace dans le dos de ses partenaires. Une fois le ballon dévié en direction de la surface, c’est la relation entre la gardienne et Julie Ertz (8), la défenseure centrale, qui devient essentielle. Sur la déviation, Naeher prend ses responsabilités et décide d’aller défendre l’espace dans lequel va arriver le ballon. Ertz repère la course de l’attaquante suédoise et la suit vers cet espace, mais elle laisse à sa gardienne le soin d’intervenir et adapte sa course pour protéger l’axe sans gêner Naeher. » 

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