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Mise en place d’un pressing agressif et succès historique des U-19 de Hoffenheim

Tobias Nubbemeyer, 31 déc. 2024

FIFA
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Dès sa première année à la tête des U-19 du TSG 1899 Hoffenheim, Tobias Nubbemeyer a permis à son équipe de réaliser un exploit inédit : remporter le championnat et la Coupe d’Allemagne de la catégorie. Dans cet entretien, il explique comment son équipe est parvenue à atteindre les sommets, ce qu’il attend d’elle et comment il gère son groupe. Il se confie également sur sa façon de travailler avec ses joueurs au quotidien, sur et en dehors du terrain.

Il s’agit de votre deuxième saison à la tête des U-19 du TSG 1899 Hoffenheim. Comment avez-vous accédé à ce poste il y a un an ?
Tobias Nubbemeyer : Le directeur du centre de formation du TSG de l’époque, Jens Rasiejewski, voulait revenir aux racines du club et axer davantage le style de jeu des équipes de jeunes sur les idées de Ralf Rangnick, à savoir un pressing agressif, un contre-pressing immédiat et des transitions rapides. Jens recherchait quelqu’un qui incarne cette philosophie et la mette en œuvre de manière cohérente. Mon profil correspondait parfaitement et il n’a donc pas fallu longtemps pour parvenir un accord.

Pourquoi les idées de Rangnick ne sont-elles plus aussi répandues ?
Ralf Rangnick a entraîné Hoffenheim jusqu’au début de l’année 2011 et ses idées se sont logiquement diluées au fil du temps. Des changements ont été apportés au niveau de la direction, tandis que le contenu des entraînements, lui, évolue et s’adapte aux tendances du football. Ces dernières années, de nombreuses équipes d’Hoffenheim ont adopté un style de jeu basé sur la possession du ballon, mais mon objectif était de parvenir à l’exact opposé. J’accorde tout de même de l’importance à la possession, mais je pense que tout commence par la défense, les courses et les transitions. C’est ça qui détermine tout le reste. L’étape suivante consiste à aborder la phase de construction, la manière de se rendre disponibles ou de franchir les différents rideaux adverses.

Qu’est-ce qui caractérise votre équipe lorsqu’elle n’a pas le ballon ?
On veut mettre de l’intensité pour réduire les espaces, rester hauts sur le terrain, anticiper les intentions des adversaires et exercer un pressing en s’appuyant sur des sprints ciblés. On ne lâche rien. On met de l’engagement et de l’intensité dans les duels afin de récupérer le ballon et de se projeter vers le but adverse le plus rapidement possible.

Que se passe-t-il si un joueur lance son sprint trop tard ?
Le joueur qui sort sur l’adversaire évolue au sein d’un bloc compact. Il y a peu d’espaces entre les joueurs et ils coordonnent leurs déplacements. Ceux qui sont les plus éloignés du ballon coulissent et évaluent en permanence les différentes options de passe des adversaires, ce qui nous permet de toujours rester au contact de l’adversaire. Si l’un de nos joueurs sprinte vers le porteur mais se fait éliminer, le joueur suivant est déjà prêt à intervenir. Il y a très peu d’espace entre nos différents joueurs et ils savent exactement comment se placer. C’est ça qui nous permet de prolonger le pressing, de provoquer des erreurs et de récupérer le ballon, même si l’un de nous est battu. On ne recule que dans des cas exceptionnels, par exemple lorsque l’adversaire déclenche une contre-attaque.

Comment inculquez-vous ce style de jeu à votre équipe ? Comment avez-vous abordé ce changement de système ?
Il était crucial pour moi de ne pas dévier de mon approche. Bien sûr, j’ai dû les convaincre au début. Mais au fil de la saison dernière, on a commencé à se mettre au diapason et au final, tout le monde a adhéré. Les victoires ont prouvé à l’équipe qu’on pouvait à la fois gagner des matches et prendre beaucoup de plaisir en jouant de cette manière. Cette saison, on s’est retrouvés en infériorité numérique contre le SC Freiburg. Certains joueurs voulaient qu’on recule d’un cran et qu’on « gare le bus ». J’ai dû revendiquer ma philosophie à ce moment-là et expliquer que je refuse de voir mon équipe jouer bas, même avec un joueur en moins. J’ai fait comprendre à tout le monde qu’on allait continuer à exercer un pressing haut. Les temps forts du match ont permis au groupe de comprendre pourquoi cette façon de défendre pouvait fonctionner.

Avez-vous une stratégie particulière pour transmettre ces informations ?
Mes actions s’appuient sur mes convictions, et ma passion pour ce style de jeu doit transparaître. Je suis partisan d’un pressing agressif, d’une quête perpétuelle du ballon et des transitions rapides. Si vous incarnez ça et que vous mettez en place des éléments à l’entraînement qui permettront de générer, d’accentuer le comportement souhaité chez les joueurs, alors vous finirez par allumer une étincelle chez certains joueurs, qui transmettront leur enthousiasme aux autres.

La saison dernière, Kelven Frees a très vite adhéré à mes idées et il a incarné le style de jeu que je voulais voir. J’ai souvent loué son comportement, montrant ainsi à l’équipe quelles étaient mes attentes. Il est d’ailleurs devenu l’un des trois capitaines.

Que se passe-t-il après la conquête du ballon ?
Dans la mesure du possible, on met l’accent sur la vitesse après avoir récupéré le ballon, afin d’exploiter la désorganisation de l’équipe adverse pour marquer. On en a eu de bons exemples lors des matches de championnat contre le Borussia Dortmund ou contre le 1. FC Kaiserslautern. On a évidemment des choses en tête concernant les phases de possession. Mais quand j’ai pris mes fonctions, on a dû se concentrer sur la mise en place des bases du jeu sans ballon.

Qu’est-ce que vous recherchez quand vous avez la capacité de construire ?
On cherche à utiliser notre panoplie de passes courtes pour avancer vers la moitié de terrain adverse. Les passes courtes obligent les défenseurs à rester en mouvement et nous aident à opérer en bloc compact. Si l’adversaire joue bas, on s’installe dans sa moitié de terrain et, lorsqu’il exerce un pressing haut, on attaque dans le dos de la défense. On attire l’adversaire en concentrant la construction sur un côté, puis on renverse le jeu pour échapper au pressing.

On n’est donc pas une équipe à la Roberto de Zerbi, qui se tient légèrement en retrait et attire l’adversaire dans sa moitié de terrain. Au contraire, on est en mouvement et on chercher à renverser le jeu pour trouver la faille face à un bloc compact.

Dans une interview, vous avez expliqué que vous vouliez atteindre le but adverse en seulement trois passes après avoir récupéré le ballon. Avez-vous l’intention d’utiliser ce style de jeu direct ?
Notre priorité est de jouer dans l’axe, mais si la défense nous en empêche, alors on passe par les ailes. Par conséquent, le nombre de passes nécessaires avant de se retrouver en position de tir dépend toujours de la façon dont joue l’adversaire. Parfois, c’est possible en cinq ou six passes, mais parfois il en faut dix. On analyse le mode de pressing de l’autre équipe et on essaie de voir comment s’ouvrir des espaces en fonction de son comportement sans ballon, de la façon dont elle est disposée et de son style de jeu. À partir de là, on décide s’il vaut mieux renverser le jeu ou lancer une attaque directe. Par exemple, lors de la finale du championnat d’Allemagne, le Borussia Dortmund a pressé plus bas et a tenté de nous contrer. On a alors davantage utilisé les intervalles pour créer le surnombre dans l’entrejeu. L’utilisation de passes courtes pour inciter les défenseurs à monter d’un cran nous a permis de prendre rapidement les espaces disponibles. 

Comment définissez-vous la coordination de votre équipe avec le ballon ?
Mes adjoints analysent l’adversaire. Ils montrent ensuite aux joueurs, sur le terrain et en dehors, comment l’autre équipe presse, et les espaces qu’il faut rechercher pour prendre le dessus. En match, on donne des instructions aux joueurs et on s’adapte en fonction de la situation. On applique toutefois quelques principes simples, comme le fait de bien quadriller le terrain. On veut un seul joueur sur l’aile, et au moins un joueur dans les demi-espaces et la zone axiale. Souvent ça se fait naturellement du fait de notre disposition quand on a le ballon. Cette organisation nous permet d’attaquer les cinq couloirs à tout moment. On bloque l’adversaire sur toute la largeur du terrain et on peut effectuer des appels en diagonale vers le but, quel que soit l’endroit où se trouve le ballon.

On met un seul joueur sur l’aile pour s’assurer d’être en supériorité numérique dans l’axe. Si on avait deux joueurs sur chaque aile, ça concentrerait automatiquement le jeu sur les côtés et il y aurait moins de connexions possibles entre nos joueurs et nos lignes. Sans ces connexions, ces possibilités de combiner, il n’y a pas d’énergie sur le terrain et il devient difficile d’impulser une dynamique.

Vous parlez d’énergie et de dynamique. Comment ça se manifeste sur le terrain ?
La zone où se déroule l’action place le curseur de la dynamique. La dynamique est en faveur de l’adversaire si le ballon est plus souvent près de votre but. Si votre équipe est installée dans la moitié de terrain adverse et si vos joueurs gagnent les duels importants, alors vous avez l’avantage.

Notre objectif est de déplacer l’action dans le camp de l’adversaire, de le mettre sous pression devant son propre but et de le forcer à commettre des erreurs. On veut imposer notre style de jeu à l’équipe adverse. Donc si on est acculés devant notre but, c’est le signal qu’il faut changer quelque chose. 

Parfois, l’adversaire se contente de rester dans son propre camp, en essayant de vous contrer.
On apprécie ce genre de situation, car ça nous permet d’approcher du but sans déployer trop d’efforts. On étouffe toute velléité de contre grâce à notre défense et à notre contre-pressing. Bien entendu, cela ne fonctionne pas à chaque fois : Heidenheim a réussi à nous marquer trois buts sur des contre-attaques cette saison. On a quelques nouveaux joueurs et ils sont encore en train d’assimiler notre tactique collective. Au fil du temps, on développe des défenseurs qui donnent absolument tout pour protéger leur propre but, et on est actuellement en train de peaufiner notre façon de défendre en un-contre-un et sur les une-deux. On s’efforce également de parler une langue commune.

Comment s’assurer que l’équipe parle cette langue commune ?
J’interromps tout simplement la séance s’il n’y a pas de connexions entre les joueurs à l’entraînement et si leurs actions ne sont pas coordonnées. Je mets immédiatement le doigt dessus. Si je ferme les yeux, je fais passer le message que ça n’est pas un problème si ça se reproduit lors des exercices suivants ou en match.

La synchronicité, c’est-à-dire la coordination des actions individuelles, est extrêmement importante pour moi et j’essaie de la promouvoir. Avoir une atmosphère positive aide à créer des liens, ce qui est plus compliqué si les joueurs se querellent et se plaignent. Je suis très attentif à ces situations et je les aborde directement, en préférant utiliser des exemples positifs plutôt que négatifs. On veut créer une culture de la formation qui permette aux leaders de se développer. Ils doivent incarner nos principes de communication et se soutenir mutuellement, de manière positive, tout en exigeant des autres qu’ils partagent leurs attentes élevées. Nos actions et notre culture de la formation valident et protègent leur comportement.

En d’autres termes, il y a une différence entre crier sur quelqu’un parce qu’il n’a pas couru, et motiver ce joueur pour qu’il soit à fond sur le sprint suivant. J’ai développé une conscience aiguë des différents tons et types de communication à adopter pour m’adresser aux différents individus. Il ne me faut pas longtemps pour réaliser que quelque chose ne va pas au sein du staff ou de l’effectif. J’agis alors de manière appropriée pour remettre le train sur les rails.

Comment promouvoir les actions positives et le soutien mutuel ?
D’une part, on motive les joueurs et on les encourage à agir de façon positive pendant les séances. D’autre part, on revient avec eux sur leurs actions dans le cadre d’entretiens individuels et on les pousse à adopter un regard critique sur leurs prestations. Si quelqu’un utilise un ton accusateur, il ne peut y avoir de synchronicité, de connexion entre les joueurs. On fait en sorte que chacun se regarde dans le miroir et on donne aux joueurs les clés pour résoudre les problèmes rencontrés s’ils devaient se représenter. De petits changements dans notre comportement peuvent avoir un effet important sur nos coéquipiers.

À cet âge, de nombreux jeunes n’ont pas conscience d’eux-mêmes ni des conséquences de leurs actions sur les autres. Après une mauvaise passe, ils se contentent de hausser les épaules ou de se retourner sans se rendre compte de l’effet que cela a sur leurs coéquipiers. Il suffit parfois d’une accolade : c’est une simple marque d’affection, mais qui peut changer la donne. Malheureusement, certains joueurs pensent qu’ils ne comptent pas vraiment, et que leurs actions auront peu ou pas de conséquences. Or, si le dix-huitième joueur de l’équipe prend conscience qu’une accolade aidera son coéquipier à être plus performant sur le terrain, alors l’équipe a plus de chances de gagner. Il s’agit toujours d’une question de communication et de réflexion.

Quelle est la fréquence de vos entretiens individuels ?
Il n’y a pas de calendrier fixe pour cela. Tout dépend de la situation. On commencer par encourager la communication au sein de l’équipe pendant les entraînements. Les joueurs refoulent trop d’émotions et n’expriment pas leurs sentiments, mais ils doivent pouvoir être heureux et également exprimer leur colère. Certains jours, je peux avoir jusqu’à cinq entretiens individuels. En même temps, je soutiens les garçons pendant les séances et j’essaie de trouver le bon moment pour les diriger, tout en veillant à me comporter comme un modèle. Pour inciter les autres à faire quelque chose, il faut être soi-même passionné.

Qu’attendez-vous de vos joueurs ?
J’attends d’eux qu’ils agissent dans l’intérêt de l’équipe et qu’ils apprennent à se connaître les uns les autres. Mais la première étape est d’être en paix avec soi-même. Ils doivent d’abord être conscients de leur rôle au sein l’équipe. Ensuite, ils pourront prendre en compte leurs coéquipiers. Beaucoup de joueurs ont du mal avec cela, car ce n’est pas quelque chose qu’ils ont connu dans le passé. Si l’accent est mis sur la compétition, les joueurs ont du mal à être là les uns pour les autres. Cela peut créer un décalage pour certains qui se considèrent comme des joueurs incontournables mais qui se retrouvent souvent sur le banc de touche.

S’ils connaissent leur rôle, il est possible d’avoir une vision différente de la situation : je vais tout donner à l’entraînement et montrer que je suis candidat à une place de titulaire en effectuant cette passe, car je veux gagner avec mon équipe. C’est ainsi que je pousse les joueurs clés, tout en aidant l’ensemble de l’équipe à progresser. Mais certains pensent d’abord à eux-mêmes, au détriment des objectifs communs et de leur propre développement. L’équipe est la clé du succès. L’année dernière, on s’est serré les coudes et on a vu jusqu’où cette solidarité pouvait nous mener.

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