David Gordo et le style de jeu de l’Espagne

Passé par le banc de plusieurs clubs espagnols avant de se consacrer à la formation des jeunes, David Gordo connaît mieux que quiconque la philosophie de jeu espagnole. Depuis des années, il travaille à inculquer à ses protégés un style offensif basé sur la possession. Dans cette interview, David Gordo livre une analyse pertinente de la manière dont l’Espagne et ses sélections ont réinventé leur façon de jouer et dont les entraîneurs s’adaptent à leurs adversaires.

Les bases du football espagnol :

• Un style de jeu adopté par toutes les équipes nationales de jeunes et adapté au profil des talents formés dans ce pays

• Des capacités techniques, une lecture du jeu et une prise de décisions de haut niveau

• Un accent particulier mis par la Fédération Espagnole de Football sur la formation des entraîneurs pour accompagner le développement des joueurs

Partie 1 : l’identité de jeu espagnole, d’hier à aujourd'hui
Dans la première partie de cet entretien, David Gordo décrit les sélections espagnoles comme des équipes capables de maîtriser le ballon, de se créer de multiples occasions de but, de défendre dans le camp adverse et de se replacer rapidement à la perte de balle. Ce style de jeu est profondément ancré dans toutes les catégories de jeunes et soutenu par la Fédération Espagnole de Football. Toutefois, l’Espagne n’a pas toujours joué ainsi. Selon lui, cette approche a été développée par Luis Aragonés vers la fin de son mandat à la tête de la sélection masculine senior. Il a conduit l’équipe à évoluer, passant d’un collectif capable de moments de grâce mais souvent confronté à la défaite, à une équipe produisant des joueurs au talent technique remarquable, notamment des milieux de terrain tels que Xavi, Xabi Alonso et Andrés Iniesta. Ces jeunes étaient parfaitement adaptés à ce nouveau style de jeu et savaient parfaitement le mettre en œuvre.

Partie 2 : inculquer des principes de jeu
Établir une identité de jeu est une première étape. En revanche, transmettre les principes fondamentaux nécessite du temps. David Gordo considère que le principal obstacle auquel les sélectionneurs sont confrontés est le manque de temps passé avec les joueurs. Avec des matchs programmés seulement trois jours après l’arrivée des joueurs au rassemblement, les entraîneurs doivent optimiser au maximum ce temps. Ils doivent donc préparer des séances d’entraînement portant sur des facettes précises du jeu. Il reconnaît néanmoins que les outils d’analyse vidéo permettent aux entraîneurs de transmettre leurs connaissances aux joueurs de manière beaucoup plus efficace. Toutefois, il faut du temps pour assimiler et mettre en pratique ces enseignements, ce qui ne peut se faire que sur le terrain d’entraînement. Pour lui, enseigner de nouveaux concepts aux joueurs et les voir appliquer le plan de jeu en match est l’un des aspects les plus gratifiants de son métier.

Partie 3 : les compétences essentielles
Pour réussir dans le football, il faut maîtriser différentes compétences et les appliquer selon les phases de jeu. Les phases offensives nécessitent un excellent niveau technique, d’autant que le jeu de possession de l’Espagne repose en grande partie sur les contrôles et les passes. Par ailleurs, ce que recherche avant tout le sélectionneur des U-15 espagnols, ce sont des joueurs intelligents dotés d’une bonne lecture du jeu et d’un sens de l’anticipation pour offrir les meilleures solutions à leurs coéquipiers. En phase de transition offensive, ils doivent rapidement déterminer s’il y a des espaces libres pour orienter le jeu vers l’avant. Lorsqu’ils récupèrent le ballon dans leur camp, ils ne doivent pas prendre de risque. Plus haut sur le terrain, en revanche, les joueurs doivent essayer d’exploiter les espaces et de jouer rapidement vers l’avant. Quant aux phases défensives, il est essentiel de récupérer la balle le plus vite possible. Les trois à cinq premières secondes sont déterminantes, et les joueurs les plus proches du ballon doivent être immédiatement au pressing pour provoquer une perte de balle. Selon David Gordo, ses joueurs aiment faire le pressing car, s’ils le font bien, ils ont moins de distance à parcourir en match. Enfin, la prise de décision est cruciale dans toutes les situations. Les entraîneurs donnent aux joueurs les clés pour comprendre le jeu, mais ce sont les joueurs qui doivent prendre les bonnes décisions sous pression.

Partie 4 : s’adapter aux adversaires
L'Espagne adopte un jeu de possession claire qui s’appuie sur une circulation de balle efficace, beaucoup de mouvements et des récupérations défensives rapides. Dans la quatrième partie de l’entretien, David Gordo admet toutefois que certains adversaires savent contrecarrer ses plans. Lors de leur récent match contre le Mexique, ses protégés n’ont pas réussi à se défaire du pressing adverse et ont eu du mal à construire depuis l’arrière. S’adapter aux adversaires est particulièrement ardu pour les sélections de jeunes. En effet, elles abordent souvent les rencontres avec peu ou pas d’informations sur le système adverse et ne peuvent pas se reposer sur les renseignements recueillis par les observateurs. Le sélectionneur et ses adjoints doivent donc analyser le jeu adverse, changer de tactique et trouver des solutions en cours de match. D’un autre côté, cela donne plus d’autonomie aux joueurs pour lire le jeu et surmonter les problèmes posés par l’adversaire.

Partie 5 : les entraîneurs espagnols de par le monde
Même si l’identité de jeu de la sélection est bien définie, les clubs ont, eux, des philosophies bien plus variées. Nombre d’entre eux privilégient un style de jeu différent, ce qui contraint les joueurs à s’adapter à un nouveau système en intégrant l’équipe nationale. Ces méthodes et systèmes reflètent les parcours des entraîneurs espagnols. Ces derniers sont très prisés à travers le monde et travaillent dans de nombreux pays. La Fédération Espagnole de Football a investi des fonds et développé des infrastructures pour mieux former ses entraîneurs et, par extension, ses joueurs. Des techniciens de renom comme Xabi Alonso et Pep Guardiola font les gros titres, mais il ne faut pas oublier les innombrables entraîneurs, préparateurs physiques, analystes et psychologues espagnols qui réalisent un travail incroyable pour le football de base dans le monde entier.