Le pressing haut du Qatar

Dans cet épisode de « Au cœur du jeu », Chris Loxston et Arsène Wenger, respectivement responsable du groupe Analyse des performances et tendances de la FIFA et directeur du Développement du football mondial de la FIFA, analysent la première mi-temps dévastatrice du Qatar en quart de finale de la Coupe arabe de la FIFA™. Opposé aux Émirats arabes unis, le pays hôte de la compétition menait 5-0 à la pause, malgré un taux de possession de 24% seulement. Arsène Wenger présentera d’abord les fondamentaux du pressing haut. Il expliquera ensuite comment le Qatar a su endiguer le jeu de possession de son adversaire et soulignera le rôle essentiel joué aussi bien par les attaquants que par les milieux sur ces 45 minutes de match. En fin d’épisode, les deux analystes évoqueront la façon dont le Qatar pourrait adapter son pressing haut à l'occasion de la Coupe du Monde de la FIFA™.

01:56
Principes de base du pressing haut
Pour pouvoir exercer un pressing haut, tous les membres de l’équipe (attaquants compris) doivent être physiquement aptes à presser durant 90 minutes, et disposés à faire les efforts nécessaires. Ils doivent également être extrêmement vigilants et veiller à se replacer aussi vite que possible en cas de transition défensive.

04:05
Presser le porteur et ses partenaires
La clé du pressing consiste à mettre la pression sur le porteur de balle afin de l’empêcher de jouer comme il le souhaite et d’influencer sa prise de décisions. Cela peut s’accompagner d'un pressing sur les coéquipiers du porteur pour dissuader ce dernier de leur transmettre le ballon. Les équipes qui décident de presser les joueurs sans ballon doivent agir de manière coordonnée et rapide pour limiter les options de passe qui s’offrent au porteur.

05:15
Le pressing qatarien dans les 30 derniers mètres
« Ils se sont dit : ‘Ils veulent le ballon. Ils veulent repartir de derrière. On va les en empêcher. On va monter d'un cran’. C'est cela le pressing haut. Le but est de récupérer le ballon dès que l'adversaire tente de construire. » (AW)

00:24
Plan de jeu
Les Émirats arabes unis s’appuyaient davantage sur du jeu de possession que sur des attaques rapides. Le Qatar a donc choisi d’exercer un pressing intense pour empêcher les porteurs successifs d’avoir du temps à disposition, et il l’a fait de manière très efficace. Il ressort clairement de l’organisation qatarienne en phase de pressing que l’équipe a travaillé ensemble sur de longues périodes. Elle faisait d’ailleurs davantage penser à une équipe de club particulièrement bien coordonnée qu’à une sélection nationale.

01:13
L’ouverture du score qatarienne
La stratégie qatarienne repose sur un pressing haut des latéraux, chargés de monter sur un éventuel receveur ou sur le porteur lorsque le ballon est transmis sur un côté. Dans cet extrait en revanche, le milieu axial fait signe au latéral droit de redescendre, même si le ballon se trouve dans son couloir. Celui-ci se replace donc pour reformer une ligne de cinq derrière, tandis que le milieu droit s’écarte pour aller marquer le latéral gauche émirati. De son côté, l’attaquant va couper la ligne de passe du latéral gauche vers l’intérieur, puis il va immédiatement presser le défenseur central. La glissade de ce dernier permet ensuite aux hôtes de récupérer le ballon et d’ouvrir le score.

06:46
Concentration totale
« Ce qui est très intéressant dans cet extrait, c'est que les dix joueurs de champ sont toujours vigilants – laussi bien les défenseurs que les milieux ou les attaquants. Ils ne relâchent jamais leur attention, à aucun moment. Je pense que c'est caractéristique du football moderne. Il faut être concentré durant 90 minutes. Surtout pour effectuer un pressing de cette qualité. » (AW)

08:00
Le second but qatarien
Ici, nous voyons le latéral gauche monter d'un cran pour aller au pressing. Outre la qualité du pressing, la capacité du Qatar à jouer immédiatement vers l’avant est déterminante sur ce but. Pour créer le danger avec un pressing haut, il faut en effet verticaliser dès la récupération du ballon. Autrement, l’adversaire a le temps de se replacer et de se réorganiser défensivement.

00:30
Presser en sprint
« Au football, quand vous avez le ballon, vous jaugez constamment la volonté des adversaires. S'ils arrivent en sprint, vous savez qu'il faut jouer vite. Cela crée de l’insécurité. Les Qatariens le savent, et ils vont presser en sprintant. » (AW).

01:50
Les risques inhérents au pressing
Le fait d’aller presser le ballon implique nécessairement de libérer des espaces. Dans cet extrait, la défense qatarienne évolue un peu trop bas, ce qui l’expose à un risque de 2 contre 1 sur le flanc droit. Heureusement pour les hôtes, le pressing exercé sur le porteur s’avère efficace et les Émiratis ne parviennent pas à jouer long, dans le dos de la défense. L’arrière-garde qatarienne peut alors monter pour former un bloc plus compact

05:55
Et si l’adversaire échappe au pressing ?
Ici, les Émirats arabes unis parviennent à échapper au pressing. Le Qatar se réorganise très rapidement en vue de reformer un bloc médian, parvient à récupérer le ballon et joue immédiatement vers l’avant pour se créer une occasion avec Almoez Ali. Le risque avec un bloc médian est que les latéraux adverses se retrouvent libres. Dans cet exemple, les hôtes ont toutefois la possibilité de faire intervenir un défenseur pour annihiler tout danger potentiel sur les ailes.

07:35
Anticipation
Les joueurs de très haut niveau sont capables de lire les intentions de passe de leurs adversaires en s’appuyant sur leur orientation corporelle. Il s’agit d'une qualité indispensable pour réaliser un pressing efficace. Les milieux doivent comprendre où le porteur compte effectuer sa passe et aller immédiatement sur le ballon, pour ne pas laisser le temps à l’adversaire de souffler.

09:12
Le rôle des milieux
Les milieux doivent coulisser d’un côté à l’autre du terrain en fonction de l’endroit où se trouve le ballon, et donc délaisser complètement le côté faible. Pour évoluer dans un tel système, les milieux doivent être particulièrement endurants, extrêmement vigilants, capables de lire le jeu et de récupérer le ballon.

10:45
Quelle stratégie adopter face à ce type de pressing ?
L’une des options pour gêner le pressing qatarien est d’évoluer avec deux ailiers chargés d’empêcher les latéraux de monter et d’aller aider les milieux. Ces derniers se retrouvent alors obligés de couvrir toute la largeur du terrain à eux trois. Les Émiratis recourent d’ailleurs à cette solution ici, mais ils ne parviennent pas à exploiter l’espace libéré côté gauche, ce qui aurait pu générer une situation de 3 contre 3. Les latéraux doivent donc impérativement aider leurs milieux. Sans cela, l’espace à couvrir serait bien trop important.

12:17
Le rôle des attaquants
« Almoez est totalement focalisé sur ce qu'il doit faire. Si les attaquants ne participent pas au pressing, c’est fini. Si un seul des deux attaquants ne presse pas, c’est terminé aussi. Tous les joueurs doivent être concentrés durant 90 minutes. Ici, les attaquants ne peuvent pas récupérer le ballon, mais ils se rapprochent des milieux. » (AW) 

00:08
Rôles et responsabilités
« En règle générale, ce sont les attaquants qui enclenchent le pressing. Ils tentent d'orienter les passes des adversaires. Généralement, le pressing démarre lorsque le ballon arrive sur un côté. À ce moment-là, il faut empêcher l’adversaire de jouer. De renverser le jeu. Les attaquants doivent donc empêcher les défenseurs centraux de recevoir le ballon. » (AW)

00:55
L’importance de la « longueur du bloc »
La longueur du bloc représente la distance entre le défenseur le plus bas et l’attaquant le plus haut d’une équipe. Au cours de la Coupe arabe de la FIFA, les équipes les plus compactes sont celles qui sont allées le plus loin dans la compétition. Cela n’est pas étonnant, car il est plus facile de récupérer le ballon avec des lignes proches les unes des autres, mais également parce que les joueurs ont moins de distance à couvrir et qu'ils sont donc amenés à moins courir.

01:52
Le Qatar pourra-t-il appliquer ce type de pressing à la Coupe du Monde de la FIFA ?
Le Qatar est extrêmement discipliné, vigilant et remarquablement organisé. On peut toutefois s'interroger sur sa capacité à effectuer un pressing aussi efficace contre des équipes de classe mondiale, et à répéter les efforts tout au long de la compétition. S’ils estiment ne pas posséder 20 joueurs capables d’exercer un tel pressing, les hôtes pourraient opter pour un bloc plus bas face aux « grosses équipes » et tenter de jouer le contre.

00:10
L’importance du coaching
« C’est au staff technique de faire son choix [d’exercer ou non un pressing haut contre les « grosses équipes » lors de la Coupe du Monde], puis de convaincre les joueurs. Si vous leur dites : ‘On joue le Brésil demain, et on va aller les presser haut’, il faut les convaincre que ça va marcher. Sinon ils vont se regarder, l’air perplexe. »(AW)