Points clés
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Le football féminin est devenu beaucoup plus physique durant la dernière décennie, notamment au niveau de la vitesse et de l’intensité des matches.
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Pour la première fois, les données physiques de la Coupe du Monde Féminine ont été mises en relation avec les chiffres de l’intelligence augmentée dans le football pour apporter une nouvelle perspective bien nécessaire.
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Ces informations peuvent servir à situer les exigences actuelles du football féminin international, tout en fournissant un cadre pour l’élaboration d’exercices conçus spécialement pour les joueuses.
Introduction
Le slogan de la Coupe du Monde Féminine 2023, Repousser les limites™, s’est révélé pertinent à plus d’un titre. L’édition 2019 en France avait déjà placé la barre très haut ; pourtant Australie & Nouvelle-Zélande 2023 a atteint un niveau inédit. Cette observation est particulièrement vraie sur le terrain, où les équipes ont produit un jeu d'une qualité sans précédent dans le football féminin, tant au niveau technique que tactique. Les matches de football féminin sont devenus bien plus physiques qu’au cours de la dernière décennie. À titre d’exemple, la proportion de courses à haute intensité a augmenté d’environ 20% entre Canada 2015 et France 2019.1
Étant donné l’ampleur de la progression physique, il apparaît nécessaire d’analyser et de documenter les exigences de compétitions comme la Coupe du Monde Féminine 2023. Les résultats de ces analyses devraient permettre de situer les exigences actuelles des matches internationaux, tout en fournissant un cadre pour l’élaboration d’exercices d’entraînement spécialement conçus pour les joueuses.2-5 Afin de proposer des réflexions nuancées et utiles, cette analyse est agrémentée d’informations contextuelles en vue de donner du sens aux tendances observées (en mettant en évidence des exemples pertinents ou en tenant compte de la relation entre les données physiques et les différents facteurs contextuels et tactiques).
Méthodologie
Système d’analyse des matches et zones de vitesse
Les 64 matches de la Coupe du Monde Féminine 2023 ont été analysés grâce à un système de suivi optique doté de plusieurs caméras (TRACAB, ChyronHego, Suède). Tous les mouvements des joueuses ont été enregistrés par des caméras haute-définition opérant à 25 Hz. La fiabilité de ce système a été évaluée par la FIFA afin de vérifier le processus d’enregistrement et l’exactitude des données qui en découlent.6 Après calibrage du système et plusieurs procédures rigoureuses de contrôle de qualité du processus, les données récoltées ont été traitées à l’aide d’un logiciel d’analyse des matches. Le résultat se présente sous la forme d’une série de données concernant l’activité des équipes et des joueuses durant un match, en utilisant les zones de vitesse spécifiques au football féminin et présentées ci-dessous (schéma 1).
Mesures physiques et comparaisons entre les compétitions
Cette analyse rend principalement compte de trois données physiques majeures fournissant des informations sur le volume (distance totale) et l’intensité des performances (haute intensité et distance de sprint). La distance totale représente la somme des distances parcourues dans l’ensemble des zones de vitesse. L’activité à haute intensité concerne les zones 4 et 5 (>19 km/h), tandis que le sprint se limite à l’activité de zone 5 (>23 km/h). Même si les zones de vitesse utilisées pendant la Coupe du Monde Féminine sont identiques à celles de Canada 2015 et France 2019, un autre système de suivi optique (STATS LLC, États-Unis) était en place lors de ces deux compétitions.
Cette situation rend les comparaisons difficiles.1 Ainsi, les distances absolues couvertes (c’est-à-dire les mètres ou kilomètres) n’ont donné lieu à aucune comparaison. Les parallèles se sont donc uniquement fondés sur la proportion relative d’activité dans les différentes zones, afin de dégager des tendances selon les postes (par exemple l’activité de zone 5 en pourcentage de la distance totale). Néanmoins, il convient de garder à l’esprit les problématiques inhérentes à la comparaison de données issues de différents systèmes de suivi optique (il peut, par exemple, exister un décalage entre les filtres de zones de vitesse et les vitesses de capture).
Mise en relation des données physiques et tactiques
Les données de l’intelligence augmentée dans le football de la FIFA ont été utilisées – particulièrement celles tirées de phases de jeu mettant en évidence les caractéristiques tactiques des équipes pendant les matches – afin de contextualiser davantage les tendances physiques. L’algorithme de la FIFA a quantifié différentes phases de possession (construction, progression, dernier tiers, transition offensive, contre-attaque, longs ballons et phases arrêtées) et hors possession (pressing/bloc bas, moyen et haut, contre-pressing, repli et transition défensive) à partir des données de suivi du système décrit précédemment. Celui-ci a donc eu recours à différentes caractéristiques (spatiales et physiques) pour identifier et classer les phases de jeu.
Par exemple, l’algorithme a calculé la localisation de la balle par rapport au joueur, ainsi que la vitesse et l’orientation du jeu. Quand les équipes entrent dans une certaine phase de jeu pour une période définie, l’algorithme l’enregistre comme un calcul de fréquence ou une fraction accumulée de temps de possession ou hors possession. Les définitions utilisées pour quantifier les phases de possession et hors possession sont expliquées par Arsène Wenger, directeur du Développement du football mondial de la FIFA, dans la vidéo suivante. Des définitions détaillées de l’ensemble des phases de possession et hors possession sont disponibles dans la documentation.7
Niveaux d’analyse
Niveaux de complexité croissants
Afin d’éclairer les tendances, les données sont présentées avec différents niveaux de complexité. Pour commencer, quelques caractéristiques physiques des équipes et postes pendant la Coupe du Monde Féminine 2023 font l’objet d’une présentation. Ces tendances sont ensuite étudiées selon différentes périodes (par exemple : par mi-temps), avant de passer à l’étude de données complexes concernant les influences contextuelles et tactiques. Cette progression graduelle a été pensée de façon à faciliter l’interprétation de ces données complexes. Cette structure devrait permettre de situer les performances et surtout de mettre en lumière les facteurs susceptibles de moduler la production physique collective et individuelle.
Analyse des équipe et postes
Les analyses des équipes intègrent la somme de toutes les valeurs de performance physique des joueuses de champ ayant participé à aux matches, remplaçantes comprises (hors gardiennes de but, donc). Ainsi, les tendances se basent sur les statistiques produites par l’ensemble des joueuses de champ. Elles se présentent sous forme de totaux d’équipes. L'analyse des postes a nécessité l’examen des performances physiques accomplies par les joueuses assumant plusieurs rôles tactiques au sein de leur équipe. Pour la première fois dans l’histoire du football féminin, le fournisseur de données a assigné huit rôles tactiques différents aux joueuses de champ. Seules les joueuses ayant disputé le match dans son intégralité ont fait l’objet d’une analyse par poste. Toutes les analyses ont été menées sur les données de match recueillies lors de la durée normale d’un match plus temps additionnel. Cela étant, aucune donnée provenant des prolongations n’est incluse. Ce format a été choisi pour se conformer aux analyses physiques menées lors des deux éditions précédentes de la Coupe du Monde Féminine (Canada 2015 et France 2019), sans oublier la Coupe du Monde de la FIFA, Qatar 2022™.1,8
Références
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FIFA, Analyse physique de la Coupe du Monde Féminine de la FIFA, France 2019™ (2020) Disponible à l’adresse : img.fifa.com/image/upload/zijqly4oednqa5gffgaz.pdf. Consulté en janvier 2024.
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Andersson HA, Randers MB, Heiner-Møller A, Krustrup P & Mohr M. Elite female soccer players perform more high-intensity running when playing in international games compared with domestic league games. Journal of Strength and Conditioning Research. 2010, 24(4): 912-919.
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Krustrup P, Mohr M, Ellingsgaard H & Bangsbo J. Physical Demands during an Elite Female Soccer Game: Importance of Training Status. Medicine & Science in Sports & Exercise. 2015, 37(7): 1242-1248.
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Bradley PS & Vescovi J. Velocity thresholds for women’s soccer matches: sex specificity dictates high-speed running and sprinting thresholds – Female Athletes in Motion (FAiM). International Journal of Sports Physiology and Performance. 2015, 10(1): 112-116.
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Bradley PS, Dellal A, Mohr M, Castellano J & Wilkie A. Gender differences in match performance characteristics of soccer players competing in the UEFA Champions League. Human Movement Science. 2014, 33: 159-171.
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FIFA. Electronic Performance and Tracking Systems Test Report: Tracab. 2022. Disponible à l’adresse : www.fifa.com/technical/football-technology/resource-hub?id=6f21700665d54b3e993a063e9cda109e. Consulté en septembre 2023.
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FIFA, Intelligence augmentée dans le football - documents explicatifs, 2022. Disponibles à l’adresse : www.fifatrainingcentre.com/en/fwc2022/efi-metrics/efi-metrics-pdfs.php. Consulté en janvier 2024.
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FIFA, A contextualised physical analysis of the FIFA World Cup Qatar 2022™: quantifying the “what”, “when”, “how” and “why”, 2023. Disponible à l’adresse : www.fifatrainingcentre.com/en/fwc2022/physical-analysis/background-and-method.php. Consulté en janvier 2024.