#Coupe du Monde Féminine de la FIFA

Partie 2 : Établir des repères physiques entre équipes

Paul Bradley, 6 févr. 2024

FIFA
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Dans notre premier article, nous sommes penchés sur les exigences physiques qui pesaient sur les équipes pendant la Coupe du Monde Féminine de la FIFA, Australie & Nouvelle-Zélande 2023™. Pour ce faire, nous avons passé au crible le volume physique et les statistiques d’intensité de chaque équipe. L’examen des variations d'un match à l’autre entre les équipes a fait apparaître la constance des exigences physiques.

Points clés

  • La Zambie, l’Espagne et le Brésil ont parcouru le plus de distance à haute intensité durant la Coupe du Monde Féminine 2023, tandis que le Costa Rica, la Suisse et le Vietnam ont, au contraire, été les moins mobiles.

  • L’Australie et l’Espagne ont enregistré des variations considérables entre les matches, en ce qui concerne les distances couvertes au total et à haute intensité respectivement.

  • Le Danemark, l’Espagne et la Zambie se sont distingués par un volume et une intensité élevés durant les matches, contrairement à la Jamaïque, à la Colombie et au Vietnam.

Établir des repères physiques par équipe

Il n’est pas aisé de quantifier les exigences auxquelles les équipes font face en match, mais il est courant de calculer la distance totale couverte, en plus de celle parcourue à intensités élevées.1 Malgré les limites d'une telle approche,2 ces informations peuvent constituer une référence pour les spécialistes en quête de renseignements sur les exigences collectives dans le football féminin international actuel.

En moyenne, les équipes ont parcouru 103,3 km au total par match durant la Coupe du Monde Féminine 2023. Les joueuses ont parcouru respectivement 6,7 km et 1,9 km aux intensités les plus élevées (>19 et >23 km/h). En étudiant les deux extrémités du spectre des performances physiques, on constate un certain nombre de phénomènes intéressants. Le schéma 1 montre que le Japon, les Philippines et le Danemark ont parcouru la plus grande distance en match. C’est tout le contraire pour le Portugal, la Colombie et le Vietnam, nouveau venu en phase finale. Même si plus de 90% de la distance totale parcourue par les équipes l’a été à basse et moyenne intensité (zones 1-3), l’activité à haute intensité (zones 4-5) se révèle beaucoup plus parlante. Cette dernière est particulièrement significative, étant donné la relation entre l’intensité et les moments décisifs du match.3 Comme le montre le schéma 2, la Zambie, l’Espagne et le Brésil ont parcouru la plus grande distance à haute intensité (>19,0 km/h), soit entre 37 et 45% de plus que le Costa Rica, la Suisse et le Vietnam, qui ferment la marche dans ce domaine. De même, le schéma 3 montre que la Zambie, l’Espagne et le Brésil ont parcouru la plus grande distance en sprint (>23,0 km/h), ce qui représente 55 à 78% de plus que la République d'Irlande, le Costa Rica et la RP Chine, qui ont couvert la plus petite distance à cette allure.

Les schémas 1-3 donnent aussi une perspective supplémentaire en attirant notre attention sur les matches ayant fait peser les exigences physiques maximales et minimales.  Les tendances générales des schémas 1-3 ne sont pas radicalement modifiées lorsqu'on ramène les distances à la durée totale du match (par exemple : m/min), car il s’agit de moyennes sur plusieurs matches. Ceci explique pourquoi la plupart des données sont présentées en valeur absolue (par exemple : m ou km). Toutefois, certaines équipes ont été plus touchées que d’autres. En effet, les équipes ayant joué des matches plus longs, soit >106 minutes (par exemple : l’Allemagne, l’Afrique du Sud et la Zambie), ou des matches plus courts, soit <102 minutes (par exemple : le Brésil, la France et le Portugal) ont été les plus touchées.

Facteurs d’influence sur les performances physiques
Même si la forme physique est étroitement liée aux distances totales et à haute intensité parcourues par les joueuses de haut niveau pendant les matches, cette relation est extrêmement complexe.4-5 Il convient donc de garder à l’esprit que la forme n’est pas le seul facteur déterminant les performances physiques collectives.6 Étant donné la nature sous-maximale du football, les joueuses produisent des efforts correspondant aux différents scénarios tactiques mis en place. Ainsi, le style de jeu de chaque équipe, associé à d’autres facteurs tels que le score, l’importance du match et le niveau de l’équipe adverse, influe sur les performances physiques. Les chiffres de basse intensité du Vietnam peuvent, par exemple, être liés à une possession de balle limitée. Les joueuses sont donc restées en bloc défensif bas ou médian pendant de longues périodes. Ce style de jeu défensif a réduit les occasions de prendre les espaces avec des courses à haute intensité.

À l’opposé, la haute intensité caractérisant l’Espagne, championne du monde, peut s’expliquer par son jeu de possession. Les joueuses ont souvent couru dans les espaces pour recevoir le ballon afin de remonter rapidement le terrain et pénétrer dans le dernier tiers. Du fait de leur positionnement très haut sur le terrain, l’intensité physique ne retombait pas quand elles perdaient la possession. Les joueuses tentaient alors de récupérer le ballon par un contre-pressing ou, en cas d’échec, passaient en phase de transition défensive et de repli. Les dimensions physique et tactique sont interdépendantes car le but d'une équipe est de trouver la tactique permettant de tirer le meilleur parti des caractéristiques de ses joueuses.7-8C’est pourquoi, les tendances relevées peuvent refléter certaines options tactiques des équipes. Ce phénomène est traité plus en détail dans la partie 5. Les équipes féminines de haut niveau peuvent se situer à différents niveaux du spectre de la condition physique. Toutefois, les changements tactiques et la qualité de l’adversaire peuvent contraindre les équipes à moduler leurs efforts.

Justement, dans quelle mesure les performances physiques évoluent-elles d'un match à l’autre ?

Les schémas 1-3 montrent les variations pour chaque équipe durant la compétition. Les points roses sont plus ou moins éloignés selon la régularité des performances en question. La tendance générale montre que les performances varient sensiblement d'un match à l’autre. La distance totale parcourue par les équipes lors de chaque match varie peu, contrairement aux distances à haute intensité et en sprint (coefficients de variation :  3,9%, 11,1% et 18,8%, respectivement). Les études montrent que, chez les joueuses de haut niveau, les écarts de performances physiques dépendent de l’intensité (variance plus forte en intensités élevés). 9 Étant donné que la forme physique d'une équipe est réputée relativement stable durant une compétition, ces variations pourraient être liées avant tout au contexte et à la tactique.

Le contexte contribue à expliquer les variations 
Des tendances intéressantes sont apparues en calculant l’écart entre les performances maximales et minimales d’une équipe. Il est clair que les écarts de chaque équipe dépendent des mesures. Le Brésil, l’Italie et la RP Chine présentent de petits écarts, ce qui montre de la régularité dans la distance totale et celle couverte à intensités élevées (>19,0 et >23,0 km/h). À l'inverse, l’Australie et l’Espagne présentent les écarts les plus importants de la compétition pour les distances totale et à haute intensité, respectivement.

Les adversaires rencontrés par ces deux équipes ainsi que la durée des matches dans lesquels les plus grands écarts ont été enregistrés mettent ces données en perspective. Ainsi, l'Australie a parcourue sa plus grande distance totale contre le Canada et sa plus petite face à la France. De son côté, l’Espagne a parcouru sa plus grande distance à haute intensité contre la Zambie et sa plus petite contre le Japon. Le principal facteur expliquant ces écarts est la différence de près de dix minutes de temps de jeu entre les deux matches. De plus, l’interdépendance des facteurs signifie que le niveau et l’intensité d’une équipe dans un match peuvent avoir une grande influence sur les efforts déployés par l’équipe adverse.10  

C’est ainsi que l’Australie et l’Espagne ont parcouru leurs plus petites distances contre les adversaires les plus forts (respectivement la France et le Japon), mais fait plus de kilomètres contre des équipes considérées comme égales ou inférieures (respectivement le Canada et la Zambie). Les choix tactiques peuvent aussi avoir leur influence, l’Australie et l’Espagne ayant davantage joué en transitions contre le Canada et la Zambie que face à la France et au Japon. Même si les aspects tactiques sont étudiés plus en détails dans la partie 5, l’un des principaux facteurs déterminant les efforts déployés par une équipe reste la nature et le niveau de l’adversaire, comme tend à le prouver cet exemple.

Graphiques à quadrants : volume et intensité

Le schéma 4 met en relation deux dimensions différentes de la performance physique, permettant ainsi de déterminer quelle dimension prévaut pour chaque équipe. Une relation positive est ainsi apparue entre les distances totale et à haute intensité des équipes en match. (r=0,39). Environ 31% des équipes se trouvent dans le quadrant inférieur gauche, ce qui signifie que leurs statistiques de volume et d’intensité sont faibles (Argentine, Colombie, Costa Rica, Angleterre, France, Haïti, Jamaïque, Nigeria, Panama et Vietnam). Près de 25% occupent le quadrant inférieur droit, ce qui indique un haut volume mais une faible intensité (RP Chine, Allemagne, Japon, Pays-Bas, Norvège, République d'Irlande, Suède et Suisse). De plus, 19% se situent dans le quadrant supérieur gauche, correspondant à un faible volume mais à une haute intensité (Canada, Italie, République de Corée, Portugal, Afrique du Sud et États-Unis). Enfin, 25% d’entre elles se retrouvent dans la partie en haut à droite, indiquant un volume et une intensité élevés (Australie, Brésil, Danemark, Maroc, Nouvelle-Zélande, Philippines, Espagne et Zambie).

Le schéma 5 montre qu'il n’existe aucune relation entre les distances parcourues au total et en sprint. (r=-0,03). On constate que 19% des équipes sont dans le quadrant inférieur gauche, 28% dans le quadrant inférieur droit, 31% dans le quadrant supérieur gauche et 22% dans le quadrant supérieur droit. Les tendances mises en évidence dans les schémas 4 et 5 sont très similaires puisque la plupart des équipes se retrouvent dans les mêmes quadrants. Toutefois, l’Angleterre, la France, Haïti et le Nigeria passent du quadrant inférieur gauche (schéma 4) au quadrant supérieur gauche (schéma 5) grâce à des distances de sprint élevées. À l’inverse, les Philippines passent du quadrant supérieur droit (schéma 4) au quadrant inférieur droit (schéma 5) en raison de distances de sprint relativement faibles. 

Références

  1. Mohr M, Krustrup P, Andersson H, Kirkendal D & Bangsbo J. Match activities of elite women soccer players at different performance levels. Journal of Strength and Conditioning Research. 2008, 22(2): 341-349.

  2. Bradley PS & Ade JD. Are Current Physical Match Performance Metrics in Elite Soccer Fit for Purpose or is the Adoption of an Integrated Approach Needed? International Journal of Sports Physiology and Performance. 2018, 13(5): 656-664.

  3. Faude O, Koch T & Meyer T. Straight sprinting is the most frequent action in goal situations in professional football. Journal of Sports Sciences. 2012, 30(7): 625-631. 

  4. Bradley PS, Bendiksen M, Dellal A, Mohr M, Wilkie A, Datson N, Orntoft C, Zebis M, Gomez-Diaz A, Bangsbo J & Krustrup P. The Application of the Yo-Yo Intermittent Endurance Level 2 Test to Elite Female Soccer Populations. Scandinavian Journal of Medicine & Science in Sports. 2014, 24(1): 43-54. 

  5. Krustrup P, Mohr M, Ellingsgaard H & Bangsbo J. Physical Demands during an Elite Female Soccer Game: Importance of Training Status. Medicine & Science in Sports & Exercise. 2015, 37(7): 1242-1248. 

  6. Paul DJ, Bradley PS & Nassis GP. Factors Affecting Match Running Performance of Elite Soccer Players: Shedding Some Light on the Complexity. International Journal of Sports Physiology and Performance. 2015, 10(4): 516-519.

  7. Bradley PS, Carling C, Archer D, Roberts J, Dodds A, Di Mascio M, Paul D, Gomez Diaz A, Peart D & Krustrup P. The effect of playing formation on high-intensity running and technical profiles in English FA Premier League soccer matches. Journal of Sports Sciences. 2011, 29(8): 821-830.

  8. Bradley PS. Football Decoded: Using Match Analysis & Context to Interpret the Demands. 2020, Amazon, United Kingdom. 

  9. Trewin J, Meylan C, Varley MC & Cronin J. The match-to-match variation of match-running in elite female soccer. Journal of Science and Medicine in Sport. 2018, 21(2): 196-201. 

  10. FIFA, A contextualised physical analysis of the FIFA World Cup Qatar 2022™: quantifying the “what”, “when”, “how” and “why”, 2023. Disponible à l’adresse : www.fifatrainingcentre.com/en/fwc2022/physical-analysis/background-and-method.php. Consulté en janvier 2024. 

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