#Coupe du Monde Féminine de la FIFA

Partie 4: Différences d’une mi-temps à l’autre, par équipe et par poste

Paul Bradley, 6 févr. 2024

FIFA
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Ce nouvel article revient sur les différences d’efforts fournis entre la première et la seconde mi-temps, par équipe et par poste. Cette analyse sera l’occasion de mieux comprendre les conséquences de l’allongement de la durée des matches et l’utilisation d’un plus grand nombre de remplaçantes sur la répartition des efforts tout au long de la Coupe du Monde Féminine de la FIFA 2023™.

Points clés

  • Dans l’ensemble, les équipes ont parcouru moins de terrain en seconde mi-temps qu’en première. Toutefois, les distances couvertes à intensités élevées restent stables d’une période à l’autre.

  • Quel que soit leur poste, les joueuses ont parcouru moins de distance en seconde mi-temps. Néanmoins, les arrières centrales, milieux centrales et ailières voient le nombre de leurs courses à haute intensité et en sprint se maintenir, voire augmenter, après la pause.

  • Il convient donc d’accorder une attention particulière à la préparation des équipes et joueuses (indépendamment de leur poste) afin de maintenir l’intensité sur l’ensemble de ces matches.

Répartition des efforts d’une mi-temps à l’autre

Les études montrent que les joueuses de haut niveau parcourent moins de distance, au total et dans les zones de vitesse sélectionnées, en seconde mi-temps.1 La nature intense et intermittente du football féminin peut donc causer une certaine fatigue à l’approche de la fin des matches.2 De nombreux mécanismes ont été évoqués pour expliquer le développement de la fatigue dans le football, mais les chercheurs ne sont pas parvenus à identifier une cause précise.3 Certains l’attribuent à des réserves de glycogène musculaire insuffisantes en fin de rencontre et à une diminution de la phosphocréatine disponible après des périodes intenses.4 Toutefois, le football est un sport complexe et la diminution des performances en seconde mi-temps ne s’explique pas uniquement par la fatigue. Pour ne citer qu'un exemple, la physionomie du match et l’évolution du score font partie des nombreux facteurs susceptibles de moduler la performance physique d'une joueuse.5

Les nouvelles règles modifient les tendances entre mi-temps
Il faut aussi prendre en considération l’introduction de nouvelles règles. La nouvelle directive de la FIFA concernant le temps additionnel s’est traduite par un allongement de la durée des matches, surtout en secondes mi-temps. Les nouvelles règles ont aussi permis aux équipes d’effectuer jusqu’à cinq changements durant la Coupe du Monde Féminine 202, contre seulement trois en 2015 et 2019. Il faut donc étudier les tendances d'une mi-temps à l’autre, par équipe et par poste, pour savoir si ces nouvelles règles ont eu des conséquences sur la répartition des efforts.

Optimiser la comparaison par mi-temps
Les études précédentes concernant les tendances d’une mi-temps à l’autre sont basées sur des matches avec des mi-temps de durées relativement similaires.1 Mais durant la Coupe du Monde Féminine 2023, les secondes mi-temps étaient bien plus longues que les premières. Afin de comparer efficacement la diminution des efforts après la pause, il est apparu nécessaire de ramener les données physiques au nombre de mètres parcourus par minute de jeu (m/min).

Tendances par mi-temps et par équipe

Les schémas 1à 3 montrent les performances physiques lors de chaque mi-temps pour l’ensemble des équipes engagées en Coupe du Monde Féminine 2023. Les équipes se trouvant sur la diagonale médiane ont parcouru la même distance en première et seconde mi-temps. Celles présentes dans le triangle inférieur ont couvert plus de terrain en première mi-temps et celles du triangle supérieur en ont couvert davantage après la pause. Le schéma 1 révèle que les équipes ont parcouru environ 6% de distance en moins par minute jouée en seconde mi-temps. L’Allemagne et la Chine accusent la plus forte baisse de distance totale parcourue par minute jouée en deuxième mi-temps. De leur côté, le Costa Rica, le Vietnam, la Jamaïque et l’Argentine sont les seules équipes à avoir couvert autant de distance, voire davantage, après la pause.

Cependant, les schémas 2 et 3 affichent des résultats totalement différents en ce qui concerne le terrain couvert par minute à intensités élevées. Les courses à haute intensité (>19 km/h) et en sprint (>23 km/h) sont, par exemple, égales ou très légèrement supérieures en seconde mi-temps. Le Brésil et le Canada constituent des exemples caractéristiques d’équipes ayant joué avec davantage d'intensité en seconde mi-temps. Il en va différemment pour le Vietnam et l’Afrique du Sud, dont l'intensité a nettement diminué en seconde mi-temps. La diminution de la distance totale parcourue en seconde mi-temps reste constante entre les éditions 2019 et 2023 de la Coupe du Monde Féminine.6Toutefois, alors que l’on observe une baisse des distances parcourues à haute intensité et en sprint baissent lors des deuxièmes mi-temps de France 2019, le constat est différent en 2023.

Cette continuité dans l’intensité entre les mi-temps correspond aux tendances observées durant la Coupe du Monde de la FIFA, Qatar 2022™trade.7 Ceci peut s’expliquer en partie par la possibilité d’utiliser jusqu’à cinq remplaçantes par match. Ce serait logique car les remplaçantes parcourent généralement de plus grandes distances par minute et jouent de manière plus intense que les titulaires.

Une autre tendance apparaît clairement au moment de répartir les équipes de la Coupe du Monde Féminine2023 en deux catégories (« basse » et « haute »), en fonction des distances parcourues à haute intensité et en sprint au cours de la première mi-temps (>19 et >23 km/h). Les équipes de la catégorie « haute » (celles qui ont parcouru plus de 65 m/min à haute intensité ou plus de 18 m/min en sprint durant la première mi-temps) sont davantage susceptibles de réduire leurs distances en seconde période. Le Brésil fait toutefois exception à cette règle. À l'inverse, les équipes de la catégorie « basse » (celles qui ont parcouru moins de 65 m/min à haute intensité ou moins de 18 m/min en sprint durant la première mi-temps) sont davantage susceptibles d’augmenter leurs distances en seconde période. Le cas du Vietnam constitue cependant une anomalie.

Ces tendances peuvent être dues à plusieurs facteurs : fatigue physiologique, diminution volontaire du rythme de jeu ou autres aspects tactiques et contextuels. Il est intéressant de constater que les Espagnoles, futures lauréates de l’épreuve, figurent parmi les meilleures équipes au niveau de l’intensité physique. Elles ont réussi à maintenir ce niveau d'intensité d'une mi-temps à l’autre, comme le montre leur positionnement légèrement au-dessus de la diagonale médiane dans les schémas 2 et 3. La continuité au niveau des distances parcourues à haute intensité et en sprint s’est probablement traduite par une diminution prononcée du terrain total couvert en seconde mi-temps. Cette tendance pourrait indiquer une stratégie de contrôle du rythme délaissant l’activité de basse intensité, telle que marcher et trottiner (zones 1 et 2), afin de se préserver pour des courses essentielles à vitesses élevées (zones 4 et 5).9

TENDANCES PAR MI-TEMPS PAR POSTE

Diminution générale de la distance totale en seconde mi-temps et résultats contrastés pour les courses à haute intensité
Le schéma 4 montre que les joueuses ont vu leur distance totale parcourue par minute baisser d’environ 7% en seconde période et ce quel que soit leur poste. Cette baisse est plus importante chez les avants-centres (-7,9%) et plus modeste chez les ailières (-4,0%). De leur côté, les schémas 5 et 6 montrent une grande variation selon les postes d’une mi-temps à l’autre pour ce qui est de la distance parcourue à intensités élevées par minute (>19 km/h et >23 km/h). Les courses à haute intensité et en sprint baissent par exemple de manière plus nette chez les arrières latérales (-6,2% et -15%), les milieux offensives (-11% et -15,4%) et les avants-centres (-16% et -14,9%). Cependant, les arrières centrales (+4,8% et +8,3%), les milieux défensives (-7,5% et 0%), les milieux centrales (-1,7% et +8,3%) et les ailières (+2,5% et +13,6%) ont connu des diminutions moins prononcées en deuxième mi-temps et ont, dans certains cas, maintenu voire augmenté leur niveau d’intensité après la pause.

Étant donné que les recherches ont montré que l’activité à haute intensité pèse lourdement sur les réserves de glycogène musculaire dans les fibres de type II,4ces tendances par poste semblent logiques. La baisse des réserves d’énergie disponibles en seconde mi-temps s’est probablement traduite par un déclin plus marqué du nombre de courses en sprint pour les postes où elles ont été les plus fréquentes (avants-centres et milieux offensives). Cette hypothèse permettrait également d’expliquer pourquoi les joueuses occupant des postes exigeant moins de sprints ont été capables de maintenir voire d’augmenter leurs performances dans ce domaine après la pause (défenseuses centrales et milieux centrales).

Les ailières sont apparemment les seules à ne pas obéir à cette tendance. Toutefois, compte tenu du caractère éprouvant de ce rôle, on peut supposer que les ailières possèdent des qualités physiques supérieures aux autres joueuses. Cette observation peut aussi être liée à une plus grande activité des ailières en seconde mi-temps, durant laquelle elles sont davantage sollicitées en phase offensive. De nos jours, les sélections nationales adoptent souvent des blocs médians, ce qui peut encourager l’adversaire à exploiter l’espace sur les côtés – principalement par le biais d’ailières – pour se procurer des occasions via des centres.5

Ces résultats soulignent la nécessité de familiariser les joueuses de haut niveau aux courses à intensité élevée.
Les données présentées ici montrent que l’intensité des matches a été maintenue après la pause pour certaines équipes et certains postes. Il faut donc accorder plus d’importance aux méthodes d’entraînement à haute intensité, non seulement seulement pour préparer les équipes et certaines joueuses à des matches plus longs, mais aussi pour leur permettre de maintenir, voire d’augmenter, l’intensité de leurs courses en seconde mi-temps, lorsque cela s’avère nécessaire. Les études indiquent que les entraînements d’endurance par poste sollicitent énormément les systèmes aérobie et anaérobie, ce qui se traduit par une amélioration des performances à haute intensité.10De nombreux exercices, avec ou sans ballon, permettent d’obtenir ce résultat.11-12

Références

  1. Bradley PS, Dellal A, Mohr M, Castellano J & Wilkie A. Gender differences in match performance characteristics of soccer players competing in the UEFA Champions League. Human Movement Science. 2014, 33: 159-171.  

  2. Krustrup P, Zebis M, Jensen JM & Mohr M. Game-Induced Fatigue Patterns in Elite Female Soccer. Journal of Strength and Conditioning Research. 2010, 24(2): 437-41. 

  3. Mohr M, Krustrup P & Bangsbo J. Fatigue in soccer: a brief review. Journal of Sports Sciences. 2005, 23(6): 593-599. 

  4. Krustrup P, Mohr M, Nybo L, Draganidis D, Randers MB, Ermidis G, Ørntoft C, Røddik L, Batsilas D, Poulios A, Ørtenblad N, Loules G, Deli CK, Batrakoulis A, Nielsen JL, Jamurtas AZ & Fatouros IG. Muscle metabolism and impaired sprint performance in an elite women’s football game. Scandinavian Journal of Medicine & Science in Sports. 2022, 32(Suppl. 1): 27-38. 

  5. Bradley PS. ‘Setting the Benchmark’ Part 1: The Contextualised Physical Demands of Positional Roles in the FIFA World Cup Qatar 2022. Biology of Sport. 2024, 41(1): 261–270.  

  6. FIFA, Analyse physique de la Coupe du Monde Féminine de la FIFA, France 2019™ (2020) Disponible à l’adresse : img.fifa.com/image/upload/zijqly4oednqa5gffgaz.pdf. Consulté en janvier 2024. 

  7. Bradley PS. ‘Setting the Benchmark’ Part 2: Contextualising the Physical Demands of Teams in the FIFA World Cup Qatar 2022. Biology of Sport. 2024, 41(1): 271-278. 

  8. Bradley PS, Lago-Peñas C & Rey E. Evaluation of the Match Performances of Substitution Players in Elite Soccer. International Journal of Sports Physiology and Performance. 2014, 9: 415-424.

  9. Bradley PS & Noakes TD. Match running performance fluctuations in elite soccer: indicative of fatigue, pacing or situational influences? Journal of Sports Sciences. 2013, 31(15): 1627-1638.

  10. Ade JD, Drust B, Morgan O & Bradley PS. Physiological characteristics and acute fatigue associated with position-specific speed endurance soccer drills: production vs maintenance training. Science and Medicine in Football. 2020, 5(1): 6-17.

  11. Fransson D, Nielsen TS, Olsson K, Christensson T, Bradley PS, Fatouros IG, Krustrup P, Nordsborg NB & Mohr M. Skeletal muscle and performance adaptations to high-intensity training in elite male soccer players: speed endurance runs versus small-sided game training. European Journal of Applied Physiology. 2018, 118(1): 111-121.

  12. Ade JD, Harley JA & Bradley PS. Physiological Response, Time-Motion Characteristics, and Reproducibility of Various Speed-Endurance Drills in Elite Youth Soccer Players: Small-Sided Games Versus Generic Running. International Journal of Sports Physiology and Performance. 2014, 9(3): 471-479.

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