#Coupe du Monde Féminine de la FIFA

Casser les lignes, élément clé en 2023

FIFA, 24 janv. 2024

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Dans cet article, le Groupe d’étude technique de la Coupe du Monde Féminine de la FIFA, Australie & Nouvelle-Zélande 2023™ se penche sur un thème clé associé aux phases de jeu avec ballon, à savoir les cassages de ligne et leur importance dans le résultat final d’un match.

Selon le Lexique du football de la FIFA, il y a cassage de ligne quand « un joueur parvient à éliminer une ou plusieurs lignes adverses au moyen d’une passe ou d’une remontée balle au pied ». 

Le fait de briser un ou plusieurs rideaux défensifs permet de réduire le nombre d’adversaires susceptibles d’intervenir et, parallèlement, de se rapprocher du but adverse. Il existe plusieurs façons de casser les lignes, puisque l’équipe en possession pourra choisir de passer à travers le bloc, par-dessus ou de le contourner.

Données pour 30 minutes avec/sans ballon

Le calcul des données avec et sans la possession s’effectue en utilisant des statistiques « pour 30 minutes avec/sans ballon ». Lors d’un match, le ballon est généralement en jeu pendant 60 minutes environ sur 90. Le fait de normaliser les données pour 30 minutes avec ou sans la possession offre une vue d’ensemble plus précise de la façon dont les équipes se comportent dans les deux cas de figure et permet de se libérer du « biais de possession ». 

Les données des illustrations 1 et 2 ci-dessous montrent parfaitement l’intérêt de ce type de données. À titre d’exemple, la possession moyenne de l’Espagne au cours de la compétition était de 60,5% (270 minutes avec ballon, 119 minutes sans), ce qui indique qu’elle a généralement eu la maîtrise du jeu. Or, si l’on tient compte du nombre de pressings directs effectués par l’Espagne pour 90 minutes, celle-ci se classe 27e sur 32, ce qui laisserait penser que la Roja a sous-performé dans ce domaine. 

En revanche, si les pressings directs sont normalisés pour 30 minutes sans ballon, les championnes du monde grimpent au sixième rang. Cette normalisation tient donc davantage compte du contexte et permet de ne pas se laisser influencer par le taux de possession. En effet, si l’Espagne affiche un nombre total de pressings directs faible rapporté sur 90 minutes, il s’agit bien de l’une des équipes à avoir opté le plus souvent pour un pressing direct dès la perte du ballon.

Structures défensives et occasions limitées de passer par l’intérieur

Durant la compétition, il est apparu que l’organisation défensive des équipes a pesé sur la capacité de l’adversaire à se rapprocher du but. La Coupe du Monde Féminine 2023 s’est en effet avérée très équilibrée, avec notamment une diminution de la moyenne de buts par match et une augmentation du nombre de rencontres au cours desquelles au moins une des deux équipes est parvenue à garder sa cage inviolée. Les membres du Groupe d’étude technique ont remarqué que les défenses étaient très resserrées, compactes et organisées quand l’adversaire avait le ballon. En conséquence, il devenait compliqué pour celui-ci de casser les lignes en passant à travers le bloc défensif.

D’ailleurs, l’occupation moyenne de la largeur en phase défensive/au moment de presser a baissé lors d'Australie & Nouvelle-Zélande 2023 comparé à France 2019. Comme le montre l’illustration 3 ci-dessous, la largeur moyenne est ainsi passée à 36,3 m en cas de pressing/bloc haut, à 36,0 m en bloc médian et à 33,7 m en bloc bas, soit des baisses de 0,6 m, 1,0 m et 0,9 m respectivement par rapport à 2019. Il apparaît également que les blocs défensifs se resserraient à mesure qu'ils reculaient vers leur propre but.

Conséquence directe de cette organisation, les cassages de ligne par l’intérieur ont chuté de 22% comparé à l’édition précédente.

« Il s’agit d'une évolution intéressante, qui montre que les équipes étaient très bien organisées lorsqu’elles n’avaient pas le ballon », a précisé Gemma Grainger. « Il y avait très peu d’espace dans l’axe. C’était compliqué pour l’équipe en possession de passer par là, et il a donc fallu trouver d’autres solutions. Passer à travers le bloc adverse est l’option la plus efficace, car c’est le chemin le plus direct vers le but. Mais les équipes le savent et elles ont cherché à tout prix à verrouiller l’axe quand elles n’avaient pas le ballon. »

Utilisation des couloirs

Face à des blocs resserrés, les équipes ont dû davantage utiliser la largeur et exploiter les espaces dans les couloirs pour progresser et créer le danger. Les données normalisées à 30 minutes avec ballon montrent que les équipes les plus étalées en phase de construction au milieu du terrain se sont généralement imposées (76% de victoires), et qu’elles occupaient en moyenne 2,5 m de plus en largeur que l’équipe vaincue. De fait, sur les douze rencontres de la phase à élimination directe qui n’ont pas donné lieu à une prolongation, onze au total se sont soldées par un succès de l’équipe la plus étalée.

« Les équipes les plus efficaces en phase offensive occupaient davantage la largeur au moment de construire et elles étaient très bien organisées », a affirmé Grainger. « Elles savaient qu’il y avait de la place sur les ailes et qu’en occupant les couloirs, elles allaient étirer le bloc adverse en attirant des joueuses sur les côtés. Lorsque le bloc adverse coulissait, cela permettait d’ouvrir des brèches dont l’équipe en possession du ballon pouvait profiter pour passer par l’intérieur. Et si, au contraire, le bloc restait dans l’axe, alors il y avait la possibilité de le contourner via les ailes. »

Les vidéos ci-dessous illustrent la façon dont différentes équipes ont exploité la largeur pour trouver la faille dans le bloc adverse. On remarque qu’elles manœuvrent patiemment afin d’aspirer des défenseures et créer des espaces pour casser les lignes.

Vidéo 1 : La France a occupé toute la largeur du terrain au cœur du jeu avant de trouver la faille sur le couloir gauche et de s’ouvrir le chemin vers le but marocain
Vidéo 2 : L’Espagne a fait remonter le ballon en occupant la largeur jusqu’au dernier tiers suisse avant de marquer sur un centre
Vidéo 3 : Les Suissesses sont parvenues à occuper la largeur grâce à leurs arrières latérales et à se créer une occasion après avoir trouvé des espaces dans l’axe
Vidéo 4 : Dans cet extrait, les Anglaises évoluent avec deux pistons situées très haut sur les ailes et parviennent à casser la ligne défensive australienne grâce à une longue passe par-dessus le bloc adverse
Vidéo 5 : Deux joueuses allemandes mordent la ligne de touche dans cette phase de construction face au Maroc, ce qui permet à leurs coéquipières d’exploiter la largeur pour trouver la faille côté gauche et générer une occasion de but

Contourner le bloc adverse

Comme nous l’avons vu, il est plus compliqué de trouver une ouverture à travers le bloc adverse quand celui-ci est compact et resserré. En revanche, les espaces libres sur les côtés offrent des solutions intéressantes. Ainsi, lorsque l’axe du terrain est congestionné, l’équipe en possession du ballon doit s’écarter au maximum en phase de construction afin de contourner le bloc adverse.

Durant cette Coupe du Monde Féminine, les formations ayant brisé plus de lignes par l’extérieur que leur adversaire se sont imposées dans 60% des cas et ont réussi en moyenne 4,1 cassages de lignes par l’extérieur supplémentaires que l’équipe qui s’est inclinée (pour 30 minutes avec ballon). À ce propos, il est intéressant de constater que sept équipes sur les neuf les plus étalées au moment de tenter un cassage de ligne par l’extérieur se sont qualifiées pour la phase à élimination directe. 

Selon Gemma Grainger, les équipes les plus efficaces dans ce domaine s’appuyaient sur des stratégies offensives clairement définies. 

« Il est évident que les équipes avaient beaucoup travaillé sur différentes façons de casser les lignes en contournant le bloc adverse. Durant cette compétition, il y avait très peu d’espaces dans l’axe. Mais les équipes se sont adaptées en occupant la largeur, ce qui obligeait les latérales adverses à faire des choix. Les équipes en possession du ballon parvenaient ainsi à attirer des adversaires, à les isoler et à créer des espaces permettant de casser les lignes. Comme on le voit dans les vidéos ci-dessous, cela permettait aussi à leurs partenaires de faire des appels, notamment depuis le milieu, afin de recevoir dans la profondeur. »

Vidéo 6 : Le Japon parvient à marquer après avoir occupé la largeur et parfaitement exploité un ballon servi dans le dos de la défense espagnole
Vidéo 7 : Le Brésil exploite les espaces laissés libres par un Panamá très regroupé, ce qui lui permet de contourner le bloc adverse et de marquer sur un centre
Vidéo 8 : La Suisse utilise la largeur en phase de construction et, bien que le bloc philippin coulisse pour mettre la pression sur la porteuse, les Helvètes parviennent à trouver une joueuse lancée et à marquer sur cette action
Vidéo 9 : Dans cet extrait, les latérales espagnoles réussissent à aspirer deux joueuses zambiennes côté gauche, puis à combiner et à éliminer leurs adversaires pour exploiter l’espace dans le dos de la défense
Vidéo 10 : Ici, les Anglaises construisent sur un côté et parviennent ainsi à contourner le bloc chinois

Cassages de ligne défensifs

L’une des solutions les plus efficaces pour se créer des occasions consiste à casser la ligne défensive. En effet, une fois les défenseures adverses éliminées, il ne reste généralement qu’à battre la gardienne. Il n’est donc pas surprenant de constater que les équipes ayant cassé plus de lignes défensives que leurs adversaires (pour 30 minutes avec ballon) se sont imposées dans 68% des cas. Elles affichent par ailleurs 3,6 cassages de ligne défensifs de plus, en moyenne, que les formations qui se sont inclinées.

Future championne, l’Espagne se distingue par son jeu basé sur la possession et a effectué en moyenne 10,2 cassages de ligne défensifs pour 30 minutes avec ballon, dont 40% par l’intérieur, 31% par l’extérieur et 29% par-dessus. Ces données reflètent la capacité de la Roja à varier son jeu ainsi que son efficacité en termes de cassage de lignes. À titre de comparaison, Haïti a évolué dans un tout autre registre, donnant beaucoup de fil à retordre aux attaques adverses et préférant procéder par contre pour créer le danger. Ce schéma privilégié se reflète dans les statistiques moins homogènes des Caribéennes, qui affichent 64% de cassages de ligne défensifs par l’extérieur (64%), 29% par l’extérieur et 7% seulement par-dessus. 

« Dans cette compétition, les équipes ont recouru à différentes stratégies pour éliminer la ligne défensive. L’éventail était très large, depuis les équipes qui construisaient patiemment en cherchant à perturber l’organisation défensive adverse, à celles spécialisées dans le contre, qui se lançaient rapidement vers l’avant pour  casser les lignes par l’extérieur, par-dessus ou par l’intérieur », a expliqué Grainger. J’ai été frappée par la variété et la qualité des stratégies mises en place. Chaque équipe avait un style de jeu distinctif, et utilisait au mieux les qualités de ses meilleures joueuses. Et les joueuses ont fait preuve d’une intelligence de jeu impressionnante : elles savaient exactement ce qu’il fallait faire et pourquoi. Elles ne faisaient rien au hasard.

On a aussi vu qu’il était important d’avoir des joueuses efficaces dans les un contre un et capables d’aller provoquer leurs adversaires. Cela a beaucoup contribué à perturber les blocs défensifs et à créer le surnombre. Une fois une adversaire éliminée, sa coéquipière devait faire un choix. Cela a fortement contribué à la réussite de l’équipe en possession. Dans les extraits ci-dessous, on peut voir différentes stratégies utilisées pour casser des lignes défensives. »

Vidéo 11 : Le contre rapide de l’Australie lui a permis de casser la ligne défensive danoise par l’intérieur
Vidéo 12 : Ici, le Japon trouve la faille grâce à une passe à travers la défense zambienne
Vidéo 13 : L'Espagne construit patiemment, à la recherche d’espaces dans le bloc médian anglais et parvient à casser plusieurs lignes avant de briser celle défensive par l’intérieur
Vidéo 14 : Dans cet extrait, l’Espagne utilise aussi bien la largeur que des petits espaces entre les lignes pour passer à travers le bloc zambien
Vidéo 15 : Le Japon récupère le ballon dans sa propre moitié de terrain, puis combine rapidement pour casser la ligne défensive norvégienne, placée haut sur le terrain

Les finalistes

En ce qui concerne les équipes ayant réussi le plus de cassages de lignes pour 30 minutes avec ballon, il apparaît que les deux finalistes – l’Espagne et l’Angleterre – ont fait mieux que les autres équipes engagées dans la compétition (67% contre 63%). 

Cela avait déjà été le cas à l’occasion de la Coupe du Monde Féminine de la FIFA 2019™. En France, les États-Unis et les Pays-Bas avaient en effet réussi 74% de leurs cassages de lignes tentés, contre 60% en moyenne pour les autres formations. Cela montre clairement que les meilleures équipes de cette compétition trouvent différentes solutions pour casser les lignes adverses, que ça soit par l’intérieur, par l’extérieur ou par-dessus. 

Cette capacité à identifier les problèmes posés par l’organisation défensive adverse et à trouver les solutions adaptées les distingue des autres équipes.

Résumé

Bien qu’il n’existe pas une solution plus efficace que les autres pour casser les lignes adverses, il ressort que les équipes capables d’adopter différentes stratégies sont celles qui sont allées le plus loin dans la compétition. Il est également apparu qu'en 2023, le taux de lignes cassées par l’intérieur a chuté de manière significative comparé à 2019. Cela témoigne de la meilleure organisation défensive des équipes engagées et de leur capacité à évoluer en blocs compacts et disciplinés. En conséquence, la proportion de cassages de lignes par l’extérieur a logiquement augmenté en Australie et Nouvelle-Zélande, les équipes occupant davantage la largeur lorsqu’elles avaient le ballon en vue d’exploiter les espaces libres sur les côtés. 

Enfin, on retiendra que les équipes ont adopté des stratégies différentes en fonction de leur style de jeu et des caractéristiques de leurs joueuses. Malgré tout, ce sont les formations capables de s’adapter en trouvant différentes solutions en fonction de la situation et de réussir le plus de cassages de lignes qui se sont généralement imposées.     

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