Lors de la compétition, les gardiens de but ont comptabilisé deux passes décisives, soit autant qu’à la Coupe du Monde U-17 de la FIFA 2019™, la Coupe du Monde U-20 de la FIFA 2023™ et la Coupe du Monde de la FIFA 2022™ réunies. Ces deux passes décisives faisaient suite à des relances de volée, et il est intéressant de constater que, dans les compétitions de jeunes, les gardiens ont davantage recours à ce type de relance que leurs homologues au niveau senior. Lors de la Coupe du Monde 2022 au Qatar, seules 85 relances de volée ont été comptabilisées sur l'ensemble des 64 matches. En revanche, dans chacune des deux dernières compétitions de jeunes (les Coupes du Monde U-17 et U-20), environ 130 dégagements de ce genre ont été réalisés en 52 matches.
Élimination d’adversaires directs
Les relances rapides des gardiens de but constituent un moyen très efficace pour éliminer les joueurs adverses, plus particulièrement lorsqu’ils sont dans les 30 derniers mètres et doivent se replier en défense. Les gardiens de but de cette Coupe du Monde U-17 semblaient en être conscients, car après avoir récupéré le ballon, ils ont effectué 40 relances de plus en 2023 qu’en 2019 lorsqu’au moins cinq adversaires étaient dans les 30 derniers mètres. Cette évolution n’est pas passée inaperçue aux yeux du Groupe d’étude technique, comme le souligne Julio González :
« Dès que les gardiens avaient le ballon, ils cherchaient les espaces pour lancer des offensives. Par moments, ils étaient les joueurs les plus importants sur les phases de transition et ont fait preuve d’une réelle intelligence pour relancer correctement et au bon moment. Ils ont eu une implication offensive remarquable pendant cette compétition. »
Utilisation du jeu long
En outre, les gardiens de but ont effectué un nombre particulièrement important de relances de volée longues et précises, suggérant que les équipes avaient identifié le potentiel des ballons longs pour créer des occasions, et l’avaient travaillé à l’entraînement.
Comme l’explique Pascal Zuberbühler, ancien gardien international suisse, « la vision et la lecture du jeu des gardiens, en plus de la rapidité et de l’efficacité dans la décision de jouer long, indiquent que ce sont des choses qui ont été travaillées à l’entrainement en préparation de cette compétition. Les gardiens ont souvent essayé de relancer le jeu rapidement dans les transitions offensives, même quand ils recevaient le ballon des ramasseuses et ramasseurs de balle. Les joueurs offensifs se sont montrés intelligents dans leurs déplacements, n’hésitant pas à isoler certains défenseurs en un contre un, même lorsque l'adversaire était en supériorité numérique. »
La première vidéo ci-dessous montre un bel exemple de frappe au but à la suite d’une relance rapide du gardien sénégalais, Serigne Diouf (n°1). Lorsqu’il reçoit le ballon, la France a cinq joueurs dans les 30 derniers mètres, tandis que, en couverture, elle est en supériorité numérique à trois contre un, au niveau de la ligne médiane. Cependant, les courses (illustrées sur l’image ci-dessous) des ailiers sénégalais rendent possible une situation de trois contre trois si le gardien arrive à leur adresser un long ballon. C’est exactement ce que Diouf fait ; sa relance arrive dans le dos de la défense française et débouche sur une dangereuse occasion de but annihilée par une belle intervention de Paul Argney.
Dans la deuxième vidéo, le gardien de but iranien, Arsha Shakouri (n°1), récupère le ballon après une attaque brésilienne. Il aperçoit immédiatement la course de Kasra Taheri (n°10) et lui adresse un long ballon, lui donnant l’avantage en un contre un face à un défenseur en situation de repli. Taheri frappe sans contrôle et envoie le ballon entre les jambes du gardien pour égaliser à 2-2. Taheri délivrera peu de temps après une passe décisive à Esmaeil Gholizadeh (n°7) pour le but de la surprenante victoire de l’Iran face au Brésil.
La dernière vidéo provient du match de la phase de groupes entre l’Ouzbékistan et l’Espagne, achevé sur un score de parité. Ici, Muhammadyusuf Sobirov (n°21), le gardien ouzbek, aperçoit l’espace et l’exploite avec une longue relance à la main. Bien que le but ait été refusé pour hors-jeu à la conclusion de l'action, cela n’enlève rien à la relance rapide de Sobirov, qui est un excellent exemple de la lecture du jeu dont les gardiens ont su faire preuve pour amorcer des contre-attaques rapides.
RÉCAPITULATIF
Dans cette compétition, les gardiens de but ont fait preuve d’une meilleure lecture des espaces pour mieux les exploiter. Cela leur a permis d’être plus influents dans les phases offensives, plus particulièrement en amorçant des contre-attaques dangereuses grâce à des relances rapides. Les équipes ont pu s'appuyer sur la capacité des gardiens de but à lire le jeu rapidement et de leurs coéquipiers à faire les bonnes courses vers l’avant pour éliminer plusieurs adversaires en même temps grâce à de longs ballons distribués directement dans la moitié de terrain adverse. Cette stratégie s’est avérée particulièrement efficace lorsqu’elle permettait de faire arriver le ballon dans le dos de la défense, où les attaquants pouvaient courir vers le ballon tandis que les adversaires se repliaient vers leur propre but. Ce type d’attaque a également ajouté un élément de surprise au jeu et permis de déstabiliser les défenses adverses, même lorsqu’elles étaient en surnombre à la couverture au moment du dégagement par le gardien.
Dans l’ensemble, cette compétition a confirmé la tendance qui vise à faire du gardien de but un onzième joueur de champ, capable de jouer un rôle clé autant en attaque et qu’en défense.