De dernier défenseur à animateur de l’attaque

Compter sur des défenseurs capables de prendre part à l’offensive permet d’entrer dans une autre dimension. La Coupe du Monde de Beach Soccer de la FIFA, É.A.U. Dubaï 2024™ a été le théâtre de véritables prouesses défensives, mais c’est la capacité des défenseurs à se muer en acteurs clés de l’attaque, aussi bien dans la construction du jeu qu’après la récupération du ballon, qui a retenu l’attention de notre Groupe d’étude technique.   

L’ancien défenseur international italien Matteo Marrucci a été particulièrement impressionné par la polyvalence des meilleurs éléments à ce poste durant la compétition.

« Ce n'est pas une coïncidence si les trois équipes médaillées, à savoir le Brésil, l’Italie et l’Iran, disposaient de défenseurs capables d’apporter une contribution majeure à leur équipe aussi bien en phase de possession qu’en phase de récupération. Bien sûr, ils doivent avant tout exceller sur le plan défensif, mais c’est lorsqu’ils sont en mesure d’assurer une transition rapide vers l’attaque ou de prendre part à l’offensive en exploitant les espaces ou en créant le surnombre dans le dernier tiers qu’ils deviennent des joueurs cruciaux. Par le passé, on leur demandait uniquement de défendre. Désormais, les meilleures équipes du monde disposent de défenseurs capables d’attaquer, comme on l’a vu à de nombreuses reprises tout au long de la compétition. Il s’agit d’une évolution importante dans le beach soccer. » 

C’est Josep Jr Gentelin (n°5), l’un des successeurs de Marrucci dans l’arrière-garde des Azzurri , qui a le mieux incarné cette caractéristique moderne des grands défenseurs. Ses performances remarquables en attaque comme en défense lui ont valu de recevoir le Ballon d’or adidas de cette Coupe du Monde dont le lauréat est désigné par le Groupe d’étude technique. Opéré des ligaments croisés antérieurs en juillet 2023, il est revenu à son meilleur niveau, comme le montre son temps de jeu total durant la compétition : ses 158 minutes et deux secondes passées sur le terrain en font, de très loin, le joueur de champ le plus sollicité de la compétition. Auteur de quatre buts et trois passes décisives, il a largement contribué au parcours de l’Italie jusqu’en finale.

Le défenseur du Brésil Filipe (n°5) a lui aussi amplement contribué au jeu offensif de son équipe, ce qui s’est notamment concrétisé par quatre passes décisives. Les vidéos ci-dessous montrent quelques exemples de défenseurs qui se sont mués en initiateurs de l’offensive de leur équipe pour perturber la structure défensive de l’adversaire.

Lors du premier match de groupe de l’Italie, face aux États-Unis, Josep Jr est passé de joueur le plus bas dans la construction du jeu à buteur grâce à une course qui a perturbé les lignes adverses.

Comme l’explique Dejan Stankovic : « La première vidéo illustre à la perfection comment un défenseur peut se muer en rouage clé de l’attaque. Josep Jr prépare sa course avant même que son gardien ne lance l’offensive. Les États-Unis défendent en 1-1-2-1, ce qui laisse des espaces libres. Josep lève les yeux et repère l’espace qu’il pourra exploiter. »

« Dès que le ballon est envoyé à son coéquipier en attaque, il effectue une course incisive avant d’être parfaitement servi derrière la ligne défensive états-unienne. C’est un excellent exemple de défenseur venant jouer un rôle clé en attaque. Tout part de sa capacité à lire le jeu et repérer l’espace disponible avant que la première passe ne soit effectuée. Ça ressemble fort à une action répétée à l’entraînement par l’Italie avant le match. »

Le défenseur de l’Iran Reza Amiri (n°3) marque un but magnifique en prolongation alors que son équipe est tenue en échec 5-5 par l’Espagne. Au début de l’action, il est en position de dernier défenseur, et c’est lui qui parachève le mouvement d’un spectaculaire retourné acrobatique. 

Matteo Marrucci y voit l’un des plus beaux buts de la compétition :

« C’est un but fantastique », explique-t-il. « Au début de la vidéo, on voit qu’Amiri est le dernier défenseur dans ce 1-2-2 de l’Iran. L’Espagne effectue un marquage individuel et Amiri part vers l’avant dès que le ballon est transmis à son gardien pour lui permettre d’avoir de l'espace devant lui. Cela oblige Domingo Cabrera (n°7), qui était au marquage d'Amiri, à prendre une décision. Comme il choisit d’aller au pressing sur le gardien, Amiri se retrouve seul avec l’espace nécessaire pour tenter un retourné acrobatique. Si l’un des défenseurs de l’Espagne, en position basse, sort sur Amiri, cela crée un 2 contre 1 en faveur de l’Iran dans le dernier tiers du terrain. Cette course vers l’avant d’Amiri a donc mis les défenseurs espagnols face à des choix difficiles. Ce mouvement très intelligent est venu à un moment crucial du match. »

Face à Oman, le défenseur du Brésil Catarino (n°4) a marqué sur une superbe reprise de volée après avoir effectué une course depuis l’arrière pour trouver de l’espace sur le côté. Dejan Stankovic, membre du Groupe d’étude technique de la FIFA, a été frappé par la façon dont Catarino est parvenu à déstabiliser la défense adverse :

« C’est encore une variation sur le thème des courses de défenseurs depuis la position la plus basse sur le terrain », précise Stankovic. « Sur cette action, il reçoit le ballon de la part de son gardien puis attire sur lui le défenseur le plus proche. Dès qu’il rejoue vers le gardien, il exploite l’espace qui s’est ouvert sur le côté en courant jusqu’au dernier tiers du terrain, où il marque dans un angle fermé sur une reprise de volée. C’est encore un bel exemple de perturbation créée dans la défense adverse par une course vers l’avant. »

Sur la vidéo suivante, c’est le défenseur du Japon Ozu Moreira (n°10) qui a tout son temps et tout l’espace nécessaire pour ajuster une frappe de loin qui trompe le gardien adverse. Comme le fait remarquer Marrucci, il n’est pas envisageable de laisser libre un joueur de la qualité d’Ozu, surtout quand il est en possession du ballon :

« Ozu fait partie des joueurs les plus techniques au monde, il est capable de faire mal à l’adversaire de n’importe où sur le terrain. C'est très risqué de ne pas aller le presser quand il a le ballon. Sur cet exemple, on voit que même le défenseur placé le plus bas sur le terrain peut punir l’adversaire si on lui laisse suffisamment de temps et d’espace pour s’exprimer. Dans ces situations, il est important de ne jamais oublier les qualités des joueurs auxquels on fait face. »

Sur cette dernière vidéo, le défenseur du Sénégal Diatta (n°2) passe rapidement d’une phase défensive à une phase offensive pour amorcer une attaque qu’il conclut en deux temps. Ici, c’est la vitesse d’exécution qui joue un rôle crucial, comme l’explique Dejan Stankovic : 

« La vitesse de cette transition rend l'action très difficile à arrêter. Diatta commence par assurer sa tâche défensive en récupérant le ballon dans les pieds du Japonais Miyama (n°2) pour le transmettre à son gardien.  Il prend ensuite immédiatement la profondeur en se démarquant de son vis-à-vis pour remonter dans l’espace libre sur le côté. Le gardien le voit et le sert parfaitement dans la course. Après une première frappe contrée, Diatta récupère le ballon et marque. »

Les défenseurs capables de donner un élan offensif à leur équipe peuvent changer à eux seuls le cours d’un match, y compris au plus haut niveau. Comme on l’a vu lors de la Coupe du Monde de Beach Soccer de la FIFA 2024, les meilleurs défenseurs du monde ont ajouté cette corde à leur arc en faisant la brillante démonstration de leur capacité à passer du rôle de dernier défenseur à celui de principal animateur de l’attaque.

De plus, un joueur qui effectue une percée en arrivant lancé oblige les défenseurs à prendre des décisions difficiles, ce qui peut lui offrir la possibilité d’exploiter les espaces et de créer le surnombre. S’il ne fallait retenir qu’un enseignement de cette Coupe du Monde, ce serait sans doute que les meilleurs joueurs au monde sont désormais capables de contribuer de façon décisive aux performances de leur équipe dans les phases défensives comme dans les phases offensives, quel que soit leur poste.