#Coupe du Monde de Futsal de la FIFA 2024™

Argentine : imposer un pressing agressif pour contrer un gardien volant

FIFA, 2 oct. 2024

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Sortie victorieuse de son duel face au Kazakhstan (6-1), l’Argentine s’est qualifiée pour les demi-finales de la Coupe du Monde de Futsal de la FIFA™. À cette occasion, le Groupe d’étude technique s’est penché sur le pressing audacieux mis en place par les Sud-Américains et ses conséquences sur le jeu de son adversaire.

Higuita représente une sérieuse menace offensive et sa performance s’annonçait donc comme l’une des clés de ce quart de finale. Depuis plus d’une décennie, le gardien du Kazakhstan est considéré comme une référence dans le futsal, tant pour ses exploits avec que sans le ballon. Il exerce en outre une forte influence sur le jeu de son équipe, comme les spectateurs de la Coupe du Monde de Futsal en Ouzbékistan ont pu le constater au fil du parcours du Kazakhstan. Pour accéder au dernier carré, l’Argentine devait donc relever un défi inédit : surclasser une équipe dont le jeu repose en grande partie sur son gardien de but. Dans cet article, Graeme Dell, membre du Groupe d’étude technique, détaille la stratégie adoptée par l’Argentine, qui n’a pas hésité à exercer un pressing agressif pour museler Higuita. Cette stratégie a, par ricochet, considérablement influencé le jeu offensif de l’Albiceleste.

Higuita : un gardien incontournable

Higuita, dont la technique individuelle n’a rien à envier à celle d'un joueur de champ, a totalement réinventé le poste de gardien de futsal. Comme l’explique Dell,

« Higuita est une source d’inspiration pour de nombreux jeunes gardiens. Ce qui le distingue des autres, c’est son assurance et sa maîtrise technique, qui lui permettent de jouer la plupart du temps au sol. Les données montrent que le gardien de but joue un rôle de plus en plus important dans l’organisation du jeu. Higuita incarne à la perfection cette conception du gardien de but moderne ; il ne se contente pas de repousser les tentatives adverses, il participe également à la construction ».

« Il s’illustre dans ce rôle depuis très longtemps, au point d’être devenu une référence pour de nombreux sélectionneurs et entraîneurs de clubs, qui n’hésitent plus à dire : "Il nous faut un gardien plus complet car c’est un poste essentiel pour le jeu que nous voulons développer". On constate justement que beaucoup de jeunes gardiens qui se sont révélés depuis le début de la compétition ressemblent énormément à Higuita, même s’ils doivent encore progresser techniquement pour atteindre son niveau. De ce point de vue, on peut dire qu’il a changé le futsal. »

Sa qualité technique lui permet de participer activement aux phases de construction. Il sait se rendre disponible, mais aussi passer le ballon rapidement et précisément. Tactiquement, c’est au poste de gardien volant qu’il donne la pleine mesure de son talent. Encore récemment, les gardiens se faisaient plutôt discrets durant les phases de construction car leur technique était souvent trop limitée. Avec Higuita, le Kazakhstan dispose de cinq joueurs capables de réaliser des combinaisons complexes et de tirer de loin, ce qui représente une menace considérable pour les autres équipes. Ce lien entre qualité technique et organisation tactique est l’un des piliers du jeu kazakh. La vidéo 1 ci-dessous montre qu’Higuita a été au cœur du jeu de son équipe sur cette action, conclue par un but contre la Nouvelle-Zélande.

Vidéo 1 : Grâce à sa technique irréprochable, Higuita (n°2) offre des solutions inédites lors des phases offensives. Dans cette vidéo, Higuita fait office de point d’ancrage ; c’est lui qui oriente le jeu et consigne l’équipe adverse dans sa moitié de terrain.

Durant les phases de power play, la plupart des équipes remplacent leur gardien par un joueur de champ, avec l'idée que celui-ci, grâce à une meilleure technique individuelle sera mieux à même de contribuer à maintenir la pression sur l’adversaire. Le gardien volant occupe quant à lui une position très avancée. Il s’agit donc, pour l’équipe qui attaque, d'obtenir un avantage similaire. Avec un gardien techniquement adroit et performant dans son rôle traditionnel, le Kazakhstan n’a plus besoin de recourir à la stratégie du power play qui présente un risque inhérent ; en effet, les statistiques montrent que les équipes en supériorité ont davantage de chances d’encaisser un but que de marquer si elles ne trouvent pas le bon équilibre entre qualité technique et intelligence tactique.

Les données recueillies par la FIFA confirment que le gardien kazakh joue effectivement un rôle très important durant les phases de possession. Le Kazakhstan occupe la première place du classement des équipes ayant eu le plus recours aux services d’un gardien volant, avec 26 situations en moyenne en Ouzbékistan. Avant le quart de finale contre l’Argentine, Higuita totalisait 39 ballons par matches, soit le plus haut total pour un gardien à ce stade de la compétition.

Contrer la menace kazakhe

Comment l’Argentine s’y est-elle prise pour contrer cette menace ? En quart de finale, les Sud-Américains ont imposé un pressing permanent afin d’empêcher leurs adversaires de s’installer dans leur moitié de terrain. Dans ce contexte, l’influence d’Higuita s’est révélée beaucoup plus limitée. Auparavant, le Kazakhstan et Higuita avaient bénéficié d’une certaine liberté dans ce domaine, avec 26 situations avec gardien volant en moyenne par match. Face à l’Albiceleste, ils ont dû se contenter de 16 situations, soit une chute de 40% qui témoigne à elle seule du bien-fondé de la stratégie argentine pour limiter l’action d’Higuita en phase offensive. Le gardien kazakh a, en outre, dû se contenter de 29 ballons, c’est-à-dire 29% de moins que sa moyenne au cours des matches précédents (39).

Dell s’est penché sur l’organisation de ce pressing :

« Dès le coup d’envoi, les Argentins ont fait preuve d’une grande détermination. Organisés dans un 1-3 mobile en phase de récupération, ils sont passés rapidement et efficacement d’un bloc médian à un pressing haut, décourageant ainsi les relances d’Higuita. Lorsque vous pressez en 1-3, il faut toujours un joueur prêt à monter pour gêner la première relance. Les deux joueurs suivants, généralement l’autre ailier et l’attaquant, restent à l’affût d’un déclencheur dans le jeu de l’adversaire – une passe ou un mouvement – pour venir interdire les solutions de passe les plus évidentes. Il revient au dernier joueur, le défenseur, d’empêcher les passes à destination de l’attaquant ou du pivot. »

Au-delà de la question de l’élément déclencheur, c’est surtout la constance de ce pressing qui a impressionné Dell. « Ils ne se sont pas contentés de monter puis de laisser jouer leur adversaire », souligne-t-il. « Ils sont allés au bout de leur action en jouant le ballon, cherchant à venir au contact du porteur du ballon ou à effectuer un tacle. » La vidéo 2 ci-dessous illustre cet état d’esprit. Le pressing exercé et l’effort qu’il suppose sont inutiles s’ils ne s’accompagnent pas de la volonté de récupérer le ballon. Cette détermination est indispensable pour déstabiliser les équipes les plus adroites techniquement.

Vidéo 2 : L’Argentine impose un pressing agressif au Kazakhstan, avec l’intention manifeste de reprendre le ballon. Bolo Alemany (n°4) sort vainqueur du duel, ce qui lui permet de dégager le ballon.

Transformer un point faible en point fort

Le choix de l’Argentine d’exercer un pressing agressif lors des phases sans ballon a également eu des conséquences sur son jeu offensif. En effet, deux de ses six buts découlent directement de cette approche. Pour Dell, cette réussite s’explique avant tout par la capacité de cette équipe à conserver le ballon.

« Quand on récupère le ballon au pressing, la priorité est de le conserver et de le faire circuler afin de se procurer une occasion franche. Les équipes qui reprennent le ballon dans la zone 4 sont souvent trop pressées ; elles tentent immédiatement leur chance, sans chercher de meilleure option. Lorsque les Argentins ont repris la possession, notamment en seconde mi-temps, ils n’ont pas hésité à jouer en retrait pour entamer une nouvelle action offensive ou à rechercher un coéquipier mieux placé. »

La vidéo 3 ci-dessous illustre le lien très fort qui existe entre la stratégie défensive de l’Argentine et la nature de ses attaques. Disposés en 1-3, les quatre joueurs de champ organisent un pressing individuel, interdisant ainsi toutes les solutions de passe et confinant Higuita dans sa surface de réparation. Bolo Alemany (n°4), Angel Claudino (n°3) et Cristian Borruto (n°9), qui forment la première ligne de pressing, empêchent le Kazakhstan de progresser et repoussent leurs adversaires dans leur moitié de terrain. Le trio argentin profite d’une erreur d’un joueur kazakh pour inscrire son deuxième but de la partie.

On retrouve une situation similaire dans la vidéo 4 : Cristian Borruto (n°9) et Pablo Taborda (n°14) mènent le pressing et repoussent le Kazakhstan loin dans sa moitié de terrain. Les efforts de Borruto sont finalement récompensés lorsque son adversaire perd le contrôle du ballon. Kevin Arrieta (n°13) récupère et combine avec Borruto. Sur sa tentative, l’Argentine obtient le penalty du 6-1. Cette action démontre une fois de plus la cohérence d’ensemble entre les approches défensive et offensive de l’Albiceleste.

Vidéo 3 : Sur le deuxième but argentin, Bolo Alemany (n°4), Angel Claudino (n°3) et Cristian Borruto (n°9) poussent le Kazakhstan à la faute, ce dont Claudino profite pour marquer.
Vidéo 4 : Borruto et Taborda (n°14) mènent le pressing argentin et repoussent le Kazakhstan de plus en plus loin dans sa moitié de terrain. Après avoir récupéré un ballon perdu, Arrieta (n°13) combine avec Borruto, tente sa chance et obtient un penalty (pour une main).

Points à retenir

  • L’objectif de tout pressing est de récupérer la balle et de faire reculer l’adversaire, en le poussant à commettre une erreur. C’est un aspect important qu’il convient de rappeler pour éviter de tomber dans le piège d’un pressing hésitant qui, s’il ne ferme pas les solutions de passe, ouvre des espaces que l’adversaire peut exploiter. 

  • Un pressing courageux et déterminé peut toutefois répondre efficacement à une menace offensive importante. Dans ce match, l’Argentine a parfaitement identifié les qualités du Kazakhstan en phase de possession et mis en place un pressing tenace pour les contrer.

  • Il est ainsi possible de transformer un point faible en point fort. Au final, la stratégie défensive de l’Argentine, à savoir exercer un pressing rigoureux pour empêcher le Kazakhstan et Higuita de s’installer dans sa moitié de terrain, a également contribué à sa performance offensive. 

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