Lors de la finale, disputée dans la Humo Arena de Tachkent, le Brésil a pris le dessus (2-1) sur l’Argentine, sa rivale de toujours, pour soulever le trophée de la Coupe du Monde de Futsal de la FIFA 2024™. Cette victoire est venue couronner une campagne phénoménale pour les hommes de Xavier, qui ont marqué 40 buts et n’en ont encaissé que 7, en 7 matches. Découvrez l’intégralité de notre entretien pour en savoir plus sur la réflexion stratégique de Xavier, sa décision d’opter pour un encadrement technique multidisciplinaire et l’environnement qui a contribué aux performances historiques de son équipe lors de la Coupe du Monde de Futsal de la FIFA, Ouzbékistan 2024.
Anticiper la compétition
Vous avez beaucoup voyagé pendant les douze mois qui ont précédé la Coupe du Monde de Futsal. Pendant ce laps de temps, vous avez rencontré de nombreuses équipes. Certaines vous ont donné du fil à retordre, là où d’autres matches se sont révélés plus faciles. Quelle était la logique derrière cette préparation ?
Marquinhos Xavier : Dès le début, j’ai constamment gardé à l’esprit la nécessité d’étoffer nos connaissances sur les différentes équipes nationales, y compris celles qui viennent seulement d’émerger sur la scène internationale. Au cours de ce cycle particulier, nous avons décidé de nous mettre en danger face à certaines des équipes en pleine ascension. Nous avons rencontré des équipes comme le Costa Rica, un adversaire que nous avions déjà affronté en amical plusieurs fois, ici même au Brésil. Il se trouve que le Costa Rica s’est ensuite retrouvé dans le même groupe que nous à la Coupe du Monde.
Ça montre combien il utile d’analyser des formations de toutes sortes. En effet, il ne faut surtout pas négliger la phase de groupes. Il faut être très bien préparé et connaître ses adversaires sur le bout des doigts. Dès le début de notre préparation, nous savions qu’il fallait élargir nos horizons pour nous intéresser à toutes les équipes et comprendre comment elles allaient jouer face à nous. Pendant tout ce cycle, nous avons donc récolté beaucoup d’informations. Il y avait beaucoup de choses sur l’ensemble de nos adversaires potentiels, mais rien ne vaut la possibilité de les affronter sur le terrain. C’est là qu’on voit comment ils réagissent, collectivement et individuellement. La préparation a donc été une réussite. Nous avons joué contre des équipes qui ne sont pas encore de grands noms du futsal mondial et contre d’autres, qui sont au contraire des valeurs sûres. Tout ça nous a préparés à affronter n’importe quel adversaire.
Pouvez-vous nous révéler certains des critères qui ont présidé au choix des joueurs que vous avez emmenés à la Coupe du Monde de Futsal en Ouzbékistan ?
C’est une question très intéressante, parce que tout le monde veut savoir ce qui passe par la tête du sélectionneur au moment de faire ses choix. En gros, notre choix s’est porté sur des joueurs capables de tenir plusieurs rôles efficacement. Vous savez, nous avions certains critères techniques en tête et nous avions conscience du fait que les performances d’un joueur dans son club à un moment donné peuvent s’avérer cruciales en vue de sa sélection en équipe nationale. Mais quand nous choisissons notre effectif, nous ne savons jamais qui sera là en réalité à la fin de la compétition. Par conséquent, quand on dispose de joueurs très spécifiques pour chaque poste, s’ils ne sont pas capables de jouer de manière satisfaisante à d’autres postes, on est susceptible de les perdre en cours de compétition, pour une raison ou pour une autre. Et à ce moment-là, il n’est plus possible de les remplacer, parce qu’on n’a que 14 joueurs dans le groupe.
J’ai donc essayé de trouver des joueurs capables de briller à plusieurs postes.
J’ai donc essayé de trouver des joueurs capables de briller à plusieurs postes. Bien sûr, le but n’est pas de les faire jouer à un poste qui n’est pas le leur à la place de quelqu’un qui joue habituellement à ce poste, mais cette polyvalence peut limiter les conséquences de l’indisponibilité d’un coéquipier, s’il écope d’un carton rouge par exemple. La polyvalence et la capacité à s’adapter à différents scénarios susceptibles de se présenter au cours de la compétition sont autant d’éléments qui donnent de la confiance à toute l’équipe.
C’était donc ça, le critère principal. Bien sûr, nous avons aussi tenu compte de critères techniques, tactiques et du profil particulier de chaque joueur, mais l’accent était mis sur la capacité à coopérer sur le terrain et à évoluer à différents postes.
Qu’en était-il du choix de l’encadrement technique ? Y avait-il des critères particuliers ?
Oui, bien sûr. Cette recherche est assez similaire à la sélection de joueurs. Les membres d’un encadrement technique passent beaucoup de temps ensemble et il faut des gens capables d’assister les autres dans différentes tâches. Mon encadrement technique m’accompagne depuis 2017, date à laquelle je suis devenu sélectionneur. Ce sont des professionnels hautement qualifiés, mais aussi des individus dotés de qualités relationnelles, qui ont su créer un environnement dans lequel les joueurs sont moins soumis à la pression liée au fait de représenter le Brésil.
Nous sommes un encadrement technique polyvalent. Nous interagissons les uns avec les autres dans le cadre de nos différents postes et de nos fonctions. Au fil des ans, j’ai formé cet encadrement technique de façon à ce que les kinés soient capables de repérer des choses qui auraient échappé à mon attention, de faire des suggestions ou de critiquer les initiatives qui risqueraient de ne pas être bénéfiques pour le groupe. Il y a une chose importante que je souhaiterais mentionner en particulier : le sélectionneur est très présent aux côtés des joueurs à l’entraînement.
Après l’entraînement, naturellement, le sélectionneur prend un peu de distance. Les joueurs vont à l’infirmerie, ils vont voir le kiné, le préparateur physique ou d’autres membres de l’encadrement, tandis que le sélectionneur reste dans son bureau à travailler, prendre des notes ou visionner des matches. Cette distance fait que certaines choses peuvent lui échapper. Si l’encadrement technique se sent suffisamment en confiance, il peut faire part d’observations susceptibles de se révéler très utiles.
Nous sommes une équipe pluridisciplinaire. Les membres de l’encadrement sont parfaitement en confiance. Ils savent qu’ils peuvent venir me voir à tout moment s’il leur semble important de parler avec moi d’un sujet particulier ou de quelque chose qui n’est pas en lien direct avec leur spécialité. Le temps que nous avons passé ensemble a contribué à forger cette excellente relation professionnelle entre nous.
Vous parlez d’une équipe pluridisciplinaire. Sur notre plateforme, nous parlons de « l’équipe derrière l’équipe ». Dites-nous comment vous vous y prenez pour gérer tous ces experts qui contribuent à améliorer les performances de l’équipe ?
Là aussi, c’est une excellente question, parce que c’est effectivement ce à quoi je consacre le plus de temps. Au-delà des connaissances techniques et de la compréhension tactique du jeu, je consacre beaucoup de temps à la dimension humaine. Nous avons besoin de comprendre qu’il y a, comme vous dites une équipe derrière l’équipe et que nous devons en prendre soin. Depuis le début de notre relation, je me suis efforcé d’accorder une grande attention à l’équipe qui va prendre soin des joueurs. C’est un peu l’entraînement des entraîneurs. Ça fait partie de mon travail et je crois que c’est un élément crucial de la réussite de n’importe quelle équipe pluridisciplinaire : entraîner les entraîneurs.
Il faut avoir conscience des difficultés susceptibles d’être rencontrées par certains membres de l’encadrement technique dans un domaine particulier, comme le kiné ou le médecin par exemple. Chaque membre de l’encadrement doit comprendre la nécessité de faire en sorte que nos joueurs soient prêts à jouer et doit parfois prévenir des risques liés à la participation d’un joueur à un match. Pendant toute cette période, nous avons travaillé là-dessus de manière très directe.
Au quotidien, j’essaye de conserver une relation de proximité avec chacun des membres de l’encadrement. Par exemple, lors de la Coupe du Monde en Ouzbékistan, nous nous réunissions chaque soir de façon informelle. C’était l’occasion de passer du temps ensemble, de boire un verre et de discuter, pour évoquer les éventuels problèmes de la journée, en se demandant s’ils étaient évitables et ce que nous pourrions faire pour nous améliorer à l’avenir.
Pour gérer et diriger l’équipe, il faut commencer se mettre à la place des autres membres de l’encadrement et comprendre leurs besoins.
Pour gérer et diriger l’équipe, il faut commencer se mettre à la place des autres membres de l’encadrement et comprendre leurs besoins. En effet, au bout du compte, le travail du sélectionneur consiste à avoir une vue d’ensemble de la situation. Il ne s’agit pas seulement de s’occuper des joueurs au moment du match, mais aussi de comprendre l’équipe derrière l’équipe, d’être capable de tenir compte des critiques et des suggestions, de savoir féliciter ou réconforter. En compétition, chacun doit vivre loin de sa famille et ce n’est pas toujours sans conséquences. On passe parfois beaucoup de temps ensemble loin de chez nous, ce qui nous pousse à essayer de créer un environnement aussi agréable que possible.
La victoire du Brésil : émotions, stratégie et surprises
Avant de nous pencher sur des questions plus tactiques, parlons de l’aspect humain : qu’est-ce ça fait de gagner la Coupe du Monde de Futsal ?
Je suppose qu’il faut avoir déjà gagné un trophée de cette envergure pour comprendre ce qu’on peut ressentir. Sur le moment, on a l’impression de pouvoir expliquer ce que ça représente. On pense être capable l’intellectualiser, mais au bout du compte c’est impossible. Dans cette situation, on a le cœur qui déborde de joie en repensant à tout le processus par lequel on est passé.
J’ai l’habitude de dire que la victoire en Coupe du Monde de Futsal 2024 est le fruit de sept années de travail et non l’aboutissement d’un unique cycle de compétition. Le travail effectué dans le cadre d’un cycle de compétition n’est probablement pas suffisant pour permettre à une équipe nationale de s’imposer, dans la mesure où une année classique compte seulement cinq ou six dates de match prévues officiellement par la FIFA. On a rarement l’occasion de travailler ensemble et on ne passe que très peu de temps avec les joueurs. Parfois, un joueur arrive en sélection après avoir passé trois mois dans son club, qui pratique un style de jeu complètement différent. Il faut parvenir à le faire changer de comportement en l’espace de dix jours. Je ne pense pas que ce soit vraiment possible. Il faut du temps pour qu’un joueur change. C’est quelque chose de très difficile.
L’ampleur de l’exploit génère un débordement d’émotions qui empêche d’expliquer exactement tout ce que représente un titre de champion du monde. Il s’agit d’une preuve, d’une attestation d’excellence aux yeux du monde entier. C’est vraiment difficile d’expliquer ce que signifie être champion du monde, du moins d’une façon compréhensible. Tout ce que je peux dire, c’est que c’est une joie énorme, avec la sensation d’atteindre le sommet dans mon domaine. Et puis quand je vois mes collègues au sein de l’encadrement technique, quand je vois leurs sourires, ça justifie tout ce qu’on a fait jusque-là. Ça me remplit vraiment de bonheur de pouvoir travailler à ce niveau d’excellence. Mais je le répète, c’est le fruit de sept ans de travail.
Il faut aussi rappeler que nous avons rencontré de nombreuses difficultés au début de ce cycle, avec des changements de commission et de planification qui nous ont compliqué la tâche. Pour moi, sur le plan professionnel, la boucle est bouclée.
Par le passé, le Brésil était une équipe capable de marquer beaucoup de buts grâce à des joueurs comme Falcão. Le succès était au rendez-vous, mais la défense était tout de même assez perméable. En Ouzbékistan, vous avez présenté un visage assez différents. Vous avez continué à marquer beaucoup de buts, mais sans en encaisser autant. Comment expliquez-vous ce changement ?
Ça correspond au sentiment qui était le nôtre : il fallait qu’on arrive à mieux « défendre notre espace », pour ainsi dire. C’est un slogan qu’on a adopté pendant cette campagne, avec l’idée que c’est la défense qui montre le niveau de compétitivité d’une équipe, à travers sa capacité à préserver son espace et son identité de jeu. Sur le plan offensif, nous avons toujours été forts. Vous avez mentionné Falcão et on pourrait bien sûr citer beaucoup d’autres joueurs en exemple, comme les héros de cette campagne victorieuse du Brésil. Notre réputation a toujours reposé sur notre excellence offensive, mais aussi sur une certaine nonchalance défensive.
Notre secteur offensif, tel que nous l’avons mis en place, est la vitrine de notre jeu. C’est lui qui est à la base de notre identité, tandis que notre défense montre quelles sont nos intentions dans la compétition que nous sommes en train de disputer.
Bien sûr, nous avions des machines à buts, à l’image de Falcão, Tobias et beaucoup d’autres. Mais à l’heure actuelle, nous n’en avons pas vraiment dans notre effectif. Nous devons donc nous montrer beaucoup plus attentifs en défense. C’est aussi parce que les autres équipes se sont améliorées sur le plan technique. Désormais, nous évoluons sur un pied d’égalité avec la plupart des autres sélections. Notre secteur offensif, tel que nous l’avons mis en place, est la vitrine de notre jeu. C’est lui qui est à la base de notre identité, tandis que notre défense montre quelles sont nos intentions dans la compétition que nous sommes en train de disputer. En tant qu’entraîneur, j’ai toujours porté une attention particulière à la défense, mais je n’ai jamais été un entraîneur défensif.
Notre objectif est d’avoir la possession du ballon, à tel point que nous allons souvent chercher le ballon dans la moitié de terrain de l’adversaire. Je dirais que nous avons réussi à récupérer le ballon de manière plus efficace que n’importe quelle autre équipe dans cette compétition. Nous l’avons fait dans le but de nous doter d’une bonne base pour nos attaques. Nous l’avons fait avec une grande efficacité. Et si vous me permettez de vous donner un exemple, alors que je devais intervenir en Espagne dans le cadre d’une conférence, beaucoup de gens m’ont demandé de quoi j’allais parler. Quand j’ai évoqué la défense, ils ont eu l’air surpris : un entraîneur brésilien qui parle de défense ?
Je leur ai dit, oui, je vais parler de ça, parce que ça a toujours fait partie de mon identité en tant qu’entraîneur professionnel. Tout part d’une défense bien organisée. C’est ce qui permet d’organiser son attaque et de doter son équipe de qualités indispensables. Je suis très heureux qu’on considère désormais le Brésil comme une équipe bien organisée, non seulement sur le plan défensif mais aussi sur le plan offensif. Après tout, il faut pouvoir bien jouer indépendamment du système de jeu adopté.
Nos gardiens de but, Guitta, Willian et Roncaglio, ont tous un rôle important au sein de notre équipe. Comment déterminez-vous quel gardien sera titularisé ?
C’est là encore une question importante, qui illustre nos principes, parmi lesquels la nécessité de jouer en équipe.
Lors de cette campagne, nous avions trois grands gardiens : Roncaglio, Guitta et Willian. Mais au fil du temps, en examinant notre parcours, nous avons remarqué que chaque fois que Willian jouait, l’équipe gagnait en vitesse de jeu, parce que le style de Willian est différent de celui de Roncaglio ou Guitta. Et pour pouvoir jouer aussi vite en trouvant nos repères sur le terrain, il fallait que nous soyonst plus collectifs. Ça a vraiment bien marché.
Le fait d’avoir Willian dans notre effectif nous a obligés à faire davantage circuler le ballon, parce qu’il n’était pas possible d’apporter le surnombre localement quand on était sous pression, par exemple. Mais en même temps, nous avions des gardiens prêts à prendre leurs responsabilités chaque fois qu’on faisait appel à eux. Guitta et Roncaglio ont une excellente capacité à fournir du soutien à leurs coéquipiers et quand ils jouaient, ça nous permettait d’insuffler une nouvelle dynamique, d’être plus compacts en défense et d’introduire un véritable élément de surprise.
Beaucoup d’observateurs ont souligné votre usage parcimonieux de Ferrão au poste de pivot. Pourriez-vous nous dire quelques mots à ce sujet ? Pouvez-vous parler en particulier de Pito, qui a joué un rôle plus important durant la compétition, mais a été moins impliqué en huitième de finale et en demi-finale ?
Ferrão a eu quelques problèmes physiques pendant cette Coupe du Monde. Il a eu une grosse blessure qui l’a empêché de jouer pendant un moment. Il a dû travailler sur sa condition et sa vitesse de jeu, ce qui a eu des conséquences sur ses performances. Je lui ai dit qu’il avait beaucoup de courage de revenir après une blessure similaire à celle dont il avait souffert auparavant, et ce sans perdre sa motivation, en continuant de s’entraîner et de travailler dur. Mais dans la période qui a immédiatement précédé la compétition, il s’est à nouveau blessé.
À ce moment-là, on s’est même demandé s’il ne fallait pas carrément retirer Ferrão du groupe et se passer de lui pendant la Coupe du Monde. Mais c’est là que l’aspect humain est entré en ligne de compte. Pour moi, il était injuste de remplacer un joueur avec son vécu à cause d’une blessure, alors qu’il s’était battu pour être là avec nous. J’ai travaillé là-dessus avec l’équipe. J’ai réuni tout le monde et nous sommes tombés d’accord sur le fait de continuer à travailler avec lui jusqu’au bout. Il y avait encore suffisamment de temps pour qu’il récupère et jouer avec nous.
C’était un accord entre nous, un pacte. Mais pas seulement avec lui, puisque nous avons aussi perdu Pito en chemin, puis Marcênio. Nous avons donc perdu trois joueurs très importants sur blessure à ce moment-là, ce qui nous a renforcés dans notre conviction que nous avions besoin de joueurs capables de tenir plusieurs rôles sur le terrain. Par exemple, Diego a dû évoluer plusieurs fois au poste de pivot, tout comme Marlon, ce qui nous a permis de minimiser les conséquences de la perte de ces joueurs.
Nous n’avions pas Pito, Ferrão et Marcênio à notre disposition, mais l’équipe a su compenser ce handicap. [Ferrão] n’a pu disputer que quelques matches dans la compétition, parce qu’il était encore en phase de récupération, mais sa présence a joué un rôle très important pour l’équipe, parce qu’il a donné l’exemple. Il s’est comporté en leader, tout au long de cette campagne. Heureusement, au bout du compte, il a réussi à récupérer et à devenir champion du monde avec nous.
En Ouzbékistan, quelles équipes vous ont surpris par leur façon de jouer ?
Nous avons eu quelques surprises en Ouzbékistan. Nous avons vu certaines équipes qui ont réussi à aller loin alors qu’elles étaient inconnues jusque-là, comme l’Ukraine, demi-finaliste. Les Ukrainiens étaient très forts. Ils étaient très compétitifs, dans un contexte géopolitique difficile pour eux. Leur pays était en pleine crise, mais ils sont venus avec une grande rage de vaincre. Ils ont trouvé ces ressources au fond d’eux-mêmes.
Si l’on parle de surprises, alors il faut préciser qu’un sélectionneur ne peut pas se permettre d’être surpris. Nous avons affronté la France, l’Espagne et l’Ukraine. Certaines équipes étaient plus connues que d’autres, et pourtant... Au Brésil, on m’en parle encore : « Je n’aurais jamais pensé que l’Ukraine était aussi forte, ou que l’Iran ou le Maroc étaient à ce niveau ». C’est parce que les gens regardent beaucoup de football et se concentrent naturellement sur les pays où la culture de football est la plus riche. Ils ont tendance à considérer les autres pays comme étant faibles ou en retard dans leur développement footballistique. En futsal, la réalité peut être complètement différente de ce qu’elle est en football. Certains pays ne s’illustrent pas en football, mais ça ne les empêche pas de briller au futsal. C’est là que tout commence et qu’on peut rencontrer des surprises particulièrement intéressantes.
Pivots brésiliens, principes d’entraînement et futurs prétendants
Le Brésil a toujours eu des grands pivots. Quelles doivent être les qualités d’un pivot d’aujourd’hui au Brésil ?
Pour commencer, il faut remettre les choses dans le contexte social et culturel du futsal au Brésil et dans le monde. Nous avons toujours eu une excellente école de pivots, ici au Brésil. On pourrait évoquer une dizaine de grands pivots et la liste ne serait pas exhaustive, tellement il y en a.
Si je parle de contexte social et culturel, c’est parce que l’Espagne a remporté les Coupes du Monde 2000 et 2004 en pratiquant un style de jeu qui ne faisait pas beaucoup appel au pivot. Ici, au Brésil, nous avons essayé de copier ce style – à tort, à mon avis. Dans cette vision du futsal, le pivot jouait un rôle beaucoup moins important. Au Brésil, nous avons cessé de former et de produire de grands pivots. Heureusement, nous nous sommes rapidement rendu compte que le fait de s’appuyer en permanence sur le jeu du pivot fait partie de notre identité.
C’est un poste qui a évolué avec le temps, comme celui de gardien. D’ailleurs, les postes de pivot et de gardien ont connu une évolution semblable. Ce sont les postes qui ont le plus changé ces dernières années. Les gardiens jouent maintenant un rôle important dans la fluidité du jeu ; ils le nourrissent. Ils jouent aussi avec leurs pieds et interviennent en soutien du reste de l’équipe. Les pivots ont commencé à jouer un rôle défensif important parce qu’ils constituent la première ligne de défense. Tout ce qu’ils font dans cette première ligne peut avoir un effet positif ou négatif sur le système mis en place.
Les pivots d’aujourd’hui savent comment jouer dos au but, mais quand ils n’ont pas le ballon, ils peuvent aussi presser l’autre équipe et étirer la ligne adverse de l’autre côté du terrain pour aider leurs coéquipiers. Ce n’est pas que les pivots ne jouent plus de la même manière, mais ils possèdent désormais d’autres compétences et leur palette s’est agrandie.
Si on parle de ce qui fait un bon pivot, il faut aussi évoquer la capacité à prendre des décisions en fonction du déclenchement d’actions collectives ou individuelles. Parfois, le pivot doit jouer de manière individuelle pour résoudre les problèmes. D’autres fois, il faut au contraire jouer pour l’équipe, ce qui implique de permuter pour ouvrir le jeu à l’intention d’un coéquipier, ou de comprendre à quel moment il faut s’effacer au bénéfice de l’équipe.
Y a-t-il certains principes clés sur lesquels vous vous appuyez quand vous entraînez des joueurs de très haut niveau, comme ceux de l’équipe du Brésil ?
Ce n’est pas évident de gérer une équipe aussi riche en joueurs de haut niveau, mais j’ai toujours fait en sorte de me rendre disponible pour chacun d’entre eux. J’ai une théorie selon laquelle l’entraîneur est là pour servir les joueurs et non l’inverse. Par conséquent, au sein de notre environnement de travail, mon rôle a toujours été de les soutenir. Je suis là pour aider. Je ne suis pas là pour leur apprendre à jouer au futsal. Je suis là pour les aider à améliorer leurs performances et pour leur communiquer des informations importantes.
L’entraîneur est là pour servir les joueurs et non l’inverse.
Je me suis toujours rendu disponible pour quiconque a besoin de moi et souhaite améliorer ses performances. Jouer en équipe nationale n’a rien de facile, mais c’est une mission très gratifiante. En plus d’être là, il faut aussi être performant malgré une pression énorme. Il faut montrer de l’empathie de façon à pouvoir faire passer son message et créer un environnement de travail positif, au sein duquel il est possible de fournir les informations importantes pour match lui-même et pour la carrière des joueurs. Certains de mes joueurs sont des étudiants. Ils étudient l’éducation physique à l’université, parce qu’après la fin de leur carrière, ils devront penser à la suite.
Je suis très heureux d’avoir dirigé un groupe ambitieux et perfectionniste. Bien sûr, le Brésil avait déjà remporté cinq Coupes du Monde, mais tout ce groupe était malgré tout là pour entrer dans l’histoire. Ces joueurs avaient envie d’être là. Ils étaient prêts à absorber mon énergie autant que possible, parce qu’ils voulaient que je les aide à devenir champions du monde.
C’est désormais chose faite. À votre avis, d’où viendra la menace lors de la prochaine édition ?
Beaucoup d’efforts ont été consacrés au développement du futsal dans le monde. Aujourd’hui, on voit certains pays d’autres continents rivaliser dans le jeu avec le Brésil, l’Espagne, le Portugal et l’Argentine, les quatre pays qui ont déjà soulevé le trophée. C’est une très belle surprise. Notre chemin sera toujours semé d’embûches. Nous sommes maintenant sextuples champions du monde et les autres sont là pour nous battre. Ils veulent transcender leurs limites et non seulement battre le Brésil, mais aussi surmonter leurs propres difficultés.
Il y aura toujours des obstacles sur notre route, mais le plus grand défi sera d’éviter de nous imaginer que tout va bien et qu’il suffira à l’avenir de faire ce que nous avons toujours fait.
Nous savons que ce que nous avons réalisé lors de cette Coupe du Monde ne nous permettra pas de rencontrer la même réussite en 2028. Ce ne sera pas la même histoire. Nous devons apprendre à sortir de notre zone de confort et à nous remettre en question. Il faudra modifier certaines choses dans notre environnement interne si nous voulons à nouveau ressentir l’euphorie de la victoire en 2028, comme nous l’avons fait en 2024. Il y aura toujours des obstacles sur notre route mais le plus grand défi sera d’éviter de nous imaginer que tout va bien et qu’il suffira à l’avenir de faire ce que nous avons toujours fait.
Je pense que nous devons continuer à travailler dur. C’est évident, mais il faut garder un œil sur tout ce qui se passe dans le monde. Le futsal progresse très vite dans la région du Golfe en ce moment, tout comme en Asie centrale et en Europe de l’Est. Le futsal n’est plus la chasse gardée de l’Amérique du Sud et de l’Europe occidentale.
Tout cet écosystème du futsal mondial apportera son lot de surprises et je trouve que c’est très bien comme ça. Plus notre sport deviendra imprévisible, plus il attirera l’attention et les investisseurs, ce qui permettra de consacrer en retour davantage de ressources au développement du futsal dans le monde entier. À mon avis, il faut investir un peu plus dans ce sport en Afrique, en Amérique du Nord et en Amérique centrale et apporter davantage de soutien aux équipes de ces régions. Leurs difficultés sont liées à l’absence de compétitions majeures dans leur zone géographique, ce qui les empêche de se développer comme elles le devraient. C’est une tâche qui nous incombe à tous, pas uniquement à la FIFA et aux pays membres, mais à l’ensemble d’entre nous, les professionnels du futsal. Nous devons nous affranchir des frontières de notre pays d’origine pour parcourir le monde, afin d’aider d’autres pays à se développer.
Je suis certain que cela permettra d’améliorer les audiences et de confirmer la place du futsal parmi les sports les plus suivis au monde. J’espère que sa croissance pourra se poursuivre au même rythme qu’aujourd’hui.---