Lorsque ces derniers ne sont plus en mesure d’intervenir, les gardiens deviennent les ultimes remparts de leur équipe et doivent faire le nécessaire pour défendre leur but. Notre Groupe d’étude technique et notre équipe Analyse des performances et tendances du football étaient en Colombie pour observer l’ensemble des matches de la Coupe du Monde Féminine U-20 de la FIFA 2024™. Pour Pascal Zuberbühler, les gardiennes ont placé la barre très haut en matière de un contre un.
« En match, quand une gardienne se retrouve face à face avec une adversaire, elle doit réagir en une fraction de seconde car elle ne peut compter que sur elle-même. Ces moments exigent du courage, de la concentration et un mental d’acier. Je suis très impressionné par l’attitude des gardiennes qui se sont retrouvées dans ces situations lors de la compétition. De plus, sur ces phases de jeu, il y a eu une très bonne compréhension entre les gardiennes et leurs arrières. Sûres que leur gardienne tiendrait son rôle, les défenseures pouvaient couvrir d’autres zones du terrain. Pour elles, il est important de savoir si leur gardienne saura rester haut dans ce genre de situation, si elle sortira au duel et aura les nerfs solides. Il est évident que la relation gardienne-défenseures avait été travaillée à l’entraînement, ce qui est très important », affirme Zuberbühler.
Les données collectées par l’équipe Analyse des performances et tendances du football jusqu’au stade des demi-finales montrent que les gardiennes ont disputé légèrement plus de un contre un qu’en 2022 (1 un contre un pour 60 minutes de temps de jeu effectif en 2024 contre 0,9 lors de l’édition précédente). De plus, le taux de un contre un remportés par les gardiennes a augmenté, passant de 30,6% en 2022 à 34,7% en 2024.
Gérer ses un contre un
En situation de un contre un, la gardienne doit analyser l’action selon l’endroit où se joue le duel par rapport au but. En fonction de la zone d'où vient l’attaque (sur un côté ou dans l’axe), la gardienne doit ajuster sa position afin d’occuper le plus d’espace et de réduire au maximum l’angle de frappe de l’attaquante.
D’après Zuberbühler, « La plupart des gardiennes ont un côté préférentiel qui leur permet de gagner quelques centimètres. Selon que l’attaque vient de la gauche ou de la droite, elle doit savoir de quel côté se déployer afin de couvrir le plus d’angle possible. Il est également impératif de se rapprocher au maximum de l’attaquante pour occuper le plus de place possible et augmenter ses chances de réaliser un arrêt en mettant son corps en opposition.
« Si la position de départ est importante, le timing l’est tout autant. Quand l’attaquante a la maîtrise du ballon, voire qu’elle peut faire une touche supplémentaire avant d'armer sa frappe, la situation est assez délicate pour la gardienne. Elle doit monter sur l’attaquante au moment où celle-ci réalise sa dernière touche avant de se préparer à tirer. Une fois que l’attaquante est en position de tir, la gardienne doit occuper le plus de place possible et mettre son corps en opposition en utilisant la technique de la croix. Il faut sentir ces situations et certaines gardiennes les ont parfaitement lues au cours de la compétition », ajoute l’expert.
Outre sa capacité à lire le jeu, la gardienne doit également être courageuse et solide. Elle doit être prête à utiliser toutes les surfaces de son corps en se déployant au maximum afin de protéger sa cage. Pleinement concentrée, les yeux rivés sur le ballon, elle doit garder la tête froide et ne pas avoir peur de se faire tirer dessus. Comme le montrent les vidéos ci-dessous, les gardiennes ont fait preuve d’un courage, d’une concentration et d’un mental impressionnants en un contre un dans cette compétition.
Exemples
Zuberbühler s’appuie sur des extraits de matches pour revenir en détail sur les éléments clés de certains un contre un remportés par les gardiennes à la Coupe du Monde Féminine U-20, Colombie 2024.
« La vidéo 1 montre une contre-attaque concédée par l’Allemagne à la suite d’un corner mal négocié lors de son match de groupe face au Nigeria. Chiamaka Okwuchukwu (n°2) transperce la défense allemande pour filer seule au but. La gardienne, Rebecca Adamczyk (n°1), commence par reculer (alors qu’elle aurait pu rester haut) pour laisser une chance à sa défenseure de revenir. Il s'agit d’un très bon exemple d’entente collective. Adamczyk reste sur sa ligne des six mètres en position d’attente, le poids du corps vers l’avant, jusqu’à ce que l’attaquante entre dans la surface. Dès qu’Okwuchukwu réalise sa dernière touche de balle avant d'armer sa frappe, Adamczyk monte rapidement sur elle puis de déploie au maximum ce qui lui permet de réaliser un arrêt magistral en mettant son corps en opposition. Sur cette action, son attitude et sa lecture du jeu sont irréprochables : un cas d’école de un contre un remporté par la gardienne. »
« Dans la vidéo 2, on peut admirer l’une des nombreuses interventions réalisées par la gardienne marocaine Fatima El Jebraoui (n°12), qui a remporté les quatre face-à-face qu’elle a disputés. Lors du match de groupe face aux États-Unis, elle a adopté un style très offensif et a défendu sa zone avec beaucoup de courage. Sur cette action, elle décide de sortir alors qu’elle aurait pu rester sur sa ligne étant donné que sa défenseure Hajar Said (n°21) se trouvait à proximité. La relation entre les deux joueuses marocaines est intéressante. Dès que Said voit sa gardienne sortir, elle modifie sa course pour la laisser jouer le un contre un et aller protéger le but. C’est un bel exemple d’entente entre deux joueuses qui connaissent parfaitement leurs rôles en fonction des situations. Il est évident qu’El Jabraoui s’entraîne avec le groupe et pas seulement de manière isolée. Une telle compréhension ne s’acquiert qu’en travaillant ensemble. La gardienne s’avance en occupant un maximum de place et sans quitter le ballon des yeux. Elle ne s’esquive pas en se disant qu'elle risque de se faire mal et elle arrive à dévier le ballon, venu heurter son visage. Dans ce genre de situation, la gardienne doit se mettre à la bonne distance de l’attaquante. Il est également important qu’elle n’aille pas sur le ballon en même temps que ses arrières. On voit donc bien ici la bonne entente avec la défense. »
« La vidéo 3 montre une contre-attaque menée par le Ghana face à la Nouvelle-Zélande. En raison du bon retour de la milieu de terrain Lara Colpi (n°13) sur l’attaquante adverse, la gardienne Madeleine Iro (n°18) aurait pu rester sur sa ligne. Mais elle décide tout de même de sortir et ce choix s'avère payant. Au moment où l’attaquante s’apprête à armer sa frappe du droit, on voit bien Iro écarter les bras pour occuper un maximum de place avec une très belle croix, et réaliser un bel arrêt. »
« Pour finir, la vidéo 4 nous présente un face-à-face superbement remporté par la gardienne du Cameroun Cathy Biya (n°1). Au moment où l’attaquante colombienne Linda Caicedo (n°18) réalise sa passe en profondeur, Biya voit immédiatement que ses deux dernières défenseures ne pourront pas intervenir et elle décide de sortir. Il s’agit clairement d’un un contre un et elle comprend qu’elle doit sortir le plus rapidement possible si elle veut protéger sa cage. Elle se retrouve ainsi à environ cinq mètres de l’attaquante (ce qui est un peu loin pour réaliser une croix), mais elle est bien aidée par le retour de Bernadette Mbele (n°12) qui vient gêner l’attaquante Yésica Muñoz (n°9). Quoi qu’il en soit, Biya se montre courageuse, adopte un bon positionnement et met en avant sa souplesse ainsi que ses qualités athlétiques pour se déployer et arrêter le ballon. Cette excellente parade tient également à sa concentration et sa détermination. Elle a d’ailleurs remporté chacun des trois un contre un qu’elle a disputés lors de la compétition. »
POINTS CLÉS
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Les gardiennes doivent faire le nécessaire pour défendre leur cage dès qu'elles comprennent qu’une situation de un contre un se dessine. Pour mettre toutes les chances de leur côté, elles doivent se rapprocher le plus possible de l’attaquante et occuper le plus de place possible afin de lui boucher l’angle au maximum. Pour être dans le bon timing, elles doivent sortir sur l’attaquante juste avant que celle-ci arme sa frappe. De même, c’est au moment où l’attaquante s’apprête à tirer que la gardienne doit mettre son corps en opposition en utilisant la technique de la croix.
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La relation gardienne-défenseures est également primordiale. En premier lieu, la gardienne doit voir si ses arrières sont en mesure d’intervenir. Ensuite, une fois que la gardienne est sortie, c’est au tour des défenseures de comprendre où et comment lui venir en aide.
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En situation de un contre un, la gardienne doit se montrer solide et courageuse, et rester concentrée pour compliquer autant que possible la tâche de l’adversaire.