L’attitude, la personnalité et la présence font souvent la différence dans les situations compliquées. Plusieurs gardiennes ont prouvé qu’elles possédaient ces qualités depuis le début de la Coupe du Monde Féminine U-20 de la FIFA, Colombie 2024™, notamment au moment d’intervenir dans leur surface de réparation.
Pascal Zuberbühler confie avoir été « impressionné par le courage, la force de caractère et l'autorité affichée par de nombreuses gardiennes dans des situations de ce type. Elles ont été nombreuses à venir à la rencontre du ballon, que ce soit dans les airs ou à ras de terre, et, dans l’ensemble, elles ont brillé par leur excellente lecture du jeu. Tout était remarquable : position de départ, prise de décision et timing. À chaque fois, elles sont sorties avec beaucoup de conviction. Il ne fait aucun doute qu’elles ont travaillé ces aspects à l’entraînement car les défenseures n’ont pas paru surprises de les voir prendre l’initiative. On a senti une très bonne entente de part et d’autre ».
Au terme des quarts de finale, notre équipe Analyse des performances et tendances du football note que les gardiennes ont réalisé davantage d’actions défensives dans leur surface de réparation (pour 60 minutes de temps de jeu effectif) : 28 en moyenne en 2024, contre 23,5 lors de la Coupe du Monde Féminine U-20 de la FIFA, Costa Rica 2022™.
De plus, les implications actives des gardiennes sous la pression de l’adversaire ont augmenté, passant de 3,7 en moyenne en 2022 à 5 en 2024 (pour 60 minutes de temps de jeu effectif), tandis que le nombre d'interventions est en hausse (1,3 en 2022 contre 2,4 en 2024).
Zuberbühler juge cette dynamique intéressante.
« Le niveau des gardiennes est remarquable en 2024. Je suis vraiment impressionné. Elles me semblent plus en confiance et très volontaires dans leur façon de réagir aux différentes situations. Ces chiffres confirment qu’elles sont plus impliquées. Les exemples ne manquent pas. En voici quelques-uns qui nous ont semblé caractéristiques de la qualité des interventions réalisées jusqu’à présent. »
Défendre l’espace
Lorsqu’elle intervient sur un ballon aérien ou à ras de terre, la gardienne doit avant tout disposer d’une bonne vue d’ensemble de la situation et se faire une idée précise de la trajectoire du ballon. Toutefois, ces informations sont inutiles si elle n’a pas la détermination nécessaire pour sortir et venir au contact du ballon avant les autres joueuses. Le timing, le courage et l’explosivité sur les premiers mètres sont autant d’éléments cruciaux pour une intervention réussie.
En outre, la gardienne doit garder un œil sur le placement de ses défenseures et visualiser les zones qu’elles couvrent. De leur côté, les défenseures doivent connaître les points forts de leur gardienne afin d’anticiper ses réactions. Il est important pour elles de savoir que si leur gardienne décide d’intervenir, elle sera totalement engagée dans ce duel.
Ballons hauts
Zuberbühler a choisi quatre extraits pour illustrer les prises de décision des gardiennes et leurs qualités psychologiques au moment d’intervenir sur des ballons aériens.
« Dans la vidéo 1, Renatta Cota (n°1), la gardienne mexicaine, prend une décision courageuse sur un coup franc australien. Elle doit naturellement défendre sa zone mais ce qui retient l’attention ici, c’est la pause qu’elle marque lorsque le ballon est dans les airs pour analyser la situation et choisir le bon moment pour effectuer sa sortie. Une fois que la décision est prise, elle s’élance avec résolution pour toucher le ballon avant les autres joueuses. L’intention est claire et audacieuse ; elle dégage le ballon du poing. »
« Dans la vidéo 2, Luisa Agudelo (n°1) réalise une magnifique intervention, également sur coup franc. Compte tenu de son âge – 17 ans –, on ne peut qu’être impressionné par le nombre d'actions de ce type qu’elle a réalisées. Cet extrait n’est qu'un exemple parmi d’autres. Sa position de départ indique son intention. Une fois le ballon parti, elle attend qu’il ait dépassé la joueuse la plus proche (Linda Caicedo) avant de sortir. Une fois lancée, elle n’hésite pas une seconde et se projette rapidement vers l’avant. Il n’est pas question de l’arrêter et elle va même jusqu’à percuter l’une de ses partenaires lorsqu’elle repousse vigoureusement le ballon. Son attitude, son envie et sa détermination crèvent l’écran sur cette action. »
« La vidéo 3 revient sur le geste de Femke Liefting (n°1), qui sort courageusement dégager le ballon au poing malgré le risque de collision. Sa taille et sa puissance l’autorisent à prendre une position légèrement avancée mais, comme on peut le voir, elle ne bénéficie d’aucune protection. Elle décide courageusement de dégager le ballon des deux poings, malgré le choc inévitable avec l’arrière centrale colombienne Yunaira López (n°4), venue elle aussi attaquer le ballon avec vigueur. Son intervention est à la fois spectaculaire et décisive. »
« Enfin, dans la vidéo 4, Hyon Son-Gyong (n°1) vient capter un ballon difficile face aux Pays-Bas. Le centre n’est pas très haut, mais la gardienne doit justement être particulièrement attentive. On voit que sa position de départ est excellente et qu’elle décide rapidement de venir chercher le ballon. Elle fait un petit pas vers l’avant, avant de se projeter à pleine vitesse vers celui-ci. Ce mouvement lui permet de le capter fermement, devant l’attaquante adverse. C’est un excellent geste de gardienne, à la fois puissant et déterminé. »
Ballons à ras de terre
Dans leur majorité, les principes qui prévalent pour les passes aériennes restent valables pour les ballons à ras de terre. Dans les vidéos suivantes, Zuberbühler a retenu quelques interventions de grande classe sur des actions de ce type.
« La vidéo 5 revient sur une situation survenue à la 88e minute du match entre le Maroc et les États-Unis. La gardienne Fatima El Jebraoui (n°12) débute pratiquement sur sa ligne des six mètres. Tout est sous contrôle. Ici, son sens de l’anticipation est mis à l’épreuve : elle voit la passe en profondeur sur sa gauche et comprend immédiatement ce qui se trame. Elle décide de venir à la rencontre du ballon et s’engage à fond. Il faut beaucoup de courage pour réaliser une telle intervention car l’issue est indécise. Avec autorité, elle plonge sur le ballon à deux mains. Peu avant l’impact, sa coéquipière décroche afin de lui laisser l’espace nécessaire pour réaliser son intervention. La gardienne crie "à moi" et prend le ballon. On notera que cette gardienne a déjà disputé quatre un contre un depuis le début de la compétition et qu’elle est sortie victorieuse à chaque fois. »
« La vidéo 6 illustre les nombreuses situations de un contre un auxquelles Femke Liefting (n°1) a été confrontée en Colombie. Son sens de l’anticipation lui a permis de s’illustrer sur ces actions. Elle part de la ligne des six mètres et dispose d’une vue dégagée sur la passe en profondeur de Caicedo. Elle prend sa décision et, sans hésiter, sprinte vers le ballon avec beaucoup de détermination. C’est une intervention risquée car la moindre erreur peut entraîner un penalty. Elle vient pourtant saisir le ballon juste devant Karla Torres (n°15), l’attaquante colombienne, qui arrive à pleine vitesse. »
« La vidéo 7 présente une situation légèrement différente : Stella Nyamekye (n°10), l’attaquante ghanéenne, pousse le ballon loin devant elle. Akane Ōkuma (n°1), la gardienne japonaise, est au premier poteau au départ de l'action, consciente que la joueuse qui contrôle le ballon est en position de force. Mais, dès que Nyamekye pousse un peu trop son ballon, elle comprend qu’elle tient une occasion d’intervenir. En six foulées puissantes, elle se jette sur le ballon qu’elle vient chercher dans les pieds de Nyamekye. Pour une gardienne, l’instinct et la prise de décision sont des éléments essentiels car la joueuse en possession du ballon a toujours l’avantage. Il faut donc attendre le bon moment pour agir. »
« Enfin, dans la vidéo 8, Woo Seo-Bin (n°1), la gardienne sud-coréenne, sort victorieuse d’une situation de un contre un risquée face à la Colombie. Au moment où Caicedo (n°18) joue en profondeur, Woo fait un pas en arrière mais s’aperçoit que ses défenseures sont prises de vitesse. Il lui faut donc intervenir. Elle est en retard sur l’action et décide de ne pas s’engager totalement. Intelligemment, elle attend avant de faire tout son possible pour détourner le ballon. Dans une situation de ce type, le timing de la gardienne se doit d’être extrêmement précis car toute approximation pourrait entraîner un penalty. Ici, Woo avance, attend et intervient au bon moment pour stopper le ballon. Quel talent ! »
Résumé
Depuis le début de Colombie 2024, les gardiennes réalisent davantage d’actions défensives dans leur surface de réparation qu’en 2022. On enregistre également plus d’implications actives sous la pression de l’adversaire, mais aussi plus d’interventions.
Que les ballons soient joués dans les airs ou à ras de terre, des principes similaires s’appliquent : compréhension de la situation par rapport au placement des défenseures et lecture de la trajectoire. La position de départ, la prise de décision, le timing et l’explosivité sont des éléments critiques pour bien gérer ces situations. Il est donc nécessaire de posséder les attributs techniques et physiques pour bien les maîtriser. Le courage, la confiance et la détermination sont tout aussi importants dans ces circonstances. De leur côté, les défenseures doivent savoir que si leur gardienne prend la décision de sortir, elle s’engagera à cent pour cent dans l’action.