La coordination entre les mouvements des différentes joueuses montre que chacune connaît parfaitement son rôle. Toutes font preuve d’une détermination sans faille à accomplir leurs tâches, du début à la fin du match.
Basée à Cali, Carolina Pineda a assisté aux deux premiers matches de groupe de la RDP Corée à la Coupe du Monde Féminine U-20 de la FIFA 2024™, face à l’Argentine et au Costa Rica. Dans cet article, elle met en évidence certains traits caractéristiques du jeu offensif nord-coréen, qui a posé tant de problèmes à l’Albiceleste et aux Ticas.
« Individuellement, chaque joueuse possède un bagage technique impeccable. Leurs passes sont d’une précision chirurgicale, elles sont redoutables en un contre un et peuvent marquer de près comme de loin en utilisant les différentes surfaces du pied. Ce qui fait la particularité de cette équipe, c’est que toutes les joueuses donnent l’impression d’être au diapason. Chacune a l’air pleinement impliquée dans les séquences offensives et l’équipe excelle dans l’art d’utiliser l’ensemble du terrain, que ce soit pour attirer la défense ou exploiter les espaces. Qu’elles reçoivent ou non le ballon, toutes participent activement à l’action, et l’entrée en jeu des remplaçantes ne perturbe pas du tout cette dynamique. Rien ne semble pouvoir l’enrayer. C’est très impressionnant à observer », explique Pineda.
Caractéristiques offensives
La RDP Corée a eu la maîtrise du jeu lors de ses deux premiers matches, avec 63% de possession contre l’Argentine et 59% face au Costa Rica. Pour l’instant, elle domine la compétition pour ce qui est du nombre de passes reçues dans la surface de réparation adverse, avec pas moins de 37 unités pour 30 minutes avec ballon. Le Brésil et le Canada suivent avec 30 et 28 réceptions respectivement. Pour mettre ces statistiques en perspective, la meilleure équipe dans cette catégorie lors de la Coupe du Monde Féminine U-20 de la FIFA 2022™ était le Brésil, avec 26,5 passes reçues dans la surface adverse pour 30 minutes avec ballon). Les Asiatiques sont également en tête pour le nombre de solutions offertes dans le dernier tiers, avec 165 unités pour 30 minutes avec ballon.
Dans la vidéo ci-dessous, on voit avec quelle efficacité elles arrivent à verticaliser et à trouver des partenaires démarquées dans le dernier tiers. Si elles perdent le ballon, elles disposent de joueuses à proximité immédiate prêtes à déclencher le contre-pressing. Et dès qu’elles le récupèrent, elles ont la volonté de vite se projeter vers l'avant, avec un minimum de touches de balles. Il y a quelque chose d'implacable dans leur détermination à avancer.
Changements de rythme
La capacité à changer de rythme, au niveau individuel ou collectif, est l’une des spécificités majeures du jeu offensif nord-coréen. La RDP Corée construit méthodiquement ses actions par l’entremise de ses défenseures centrales et de ses milieux, en cherchant les failles dans le dispositif adverse. Dès qu’une brèche s’ouvre, les joueuses l’exploitent aussitôt et remontent le ballon en un minimum de touches.
« C’est incroyable de voir la facilité qu’elles ont à accélérer, soit avec une joueuse qui part en conduite de balle, soit par des séries de passes qui transpercent le bloc adverse. Lorsqu’une joueuse a le ballon, les autres sont constamment en mouvement et en parfaite synchronisation autour d’elle, si bien que la porteuse a toujours une multitude d’options. Les Nord-Coréennes sont très fortes pour construire dans l’axe avant d’écarter et d'accélérer le jeu subitement. Il y a un mouvement coordonné entre les joueuses qui proposent des solutions devant et sur les côtés. »
Dans les deux exemples ci-dessous, Carolina Pineda montre comment la RDP Corée accélère le jeu via des combinaisons dans l’axe ou des un contre un.
Les combinaisons
Dans l’axe, les quatre joueuses offensives restent groupées, offrant constamment des solutions à leurs milieux et à leurs défenseures. La vidéo 2 ci-dessous donne une bonne idée du type de combinaisons que les Nord-Coréennes aiment exécuter dans l’axe. Leurs qualités techniques leur permettent d’accélérer le tempo en jouant à une touche de balle. Si l'on y ajoute les mouvements incessants des joueuses, devant et sur les côtés, cela crée une sorte de rouleau compresseur.
Les un contre un
Toutes les joueuses nord-coréennes sont habiles balle au pied. Elles cherchent constamment à accélérer en se projetant vers l’avant et en provoquant leurs adversaires. Leurs crochets et leurs accélérations explosives les rendent extrêmement difficiles à contenir.
Dans la vidéo 3, on voit que la RDP Corée passe par l’axe avant d’écarter vers Jon Ryong Jong (n°13), qui déborde sa vis-à-vis et rentre dans la surface avant de centrer. Elle effectue un crochet extérieur et accélère d’un coup, laissant sa défenseure un mètre derrière. Juste avant d’atteindre la ligne de but, elle centre au second poteau et trouve l’une de ses partenaires qui marque de la tête. On note que la RDP Corée a quatre joueuses dans la surface au moment du centre.
Investir la surface adverse
Autre particularité de la stratégie offensive nord-coréenne : la présence de quatre joueuses minimum dans la surface de réparation au moment des centres. À l’issue des deux premières journées, l’équipe de Ri Song Ho se classe première dans la catégorie des centres réussis (8,5 pour 30 minutes avec ballon). Elle est par ailleurs deuxième pour ce qui est des centres en retrait (2,5 unités pour 30 minutes avec ballon), ce qui témoigne de sa capacité à varier les types de centres.
Comme le souligne Carolina Pineda, les Nord-Coréennes font preuve d’une fine intelligence tactique et d’un grand sens du placement.
« La présence de milieux de terrain et de joueuses latérales dans la surface est d’autant plus remarquable qu'elles doivent parcourir beaucoup de terrain. Même si l’action ne se termine pas par un centre, il y a toujours plusieurs joueuses au cœur de la surface prêtes à jaillir sur les seconds ballons. Elles aiment être le plus près possible du but pour tirer.
« Lorsque les Nord-Coréennes déboulent dans la surface de réparation, leurs vis-à-vis ont beaucoup de mal à les marquer car elles n’arrêtent pas de bouger. Les attaquantes se placent dans le dos de la défense ou entre les défenseures, ce qui leur rend la tâche quasi impossible », ajoute-t-elle.
Dans la vidéo 4 ci-dessous, quatre joueuses – une au premier poteau, une au second et deux autres en retrait – offrent un éventail de solutions à la centreuse dans la surface. The goal is framed with options at both the first and second post, while there are two additional players providing alternative options outside the goal area (six-yard box).
Dans la vidéo 5, la milieu Kim Song Gyong (n°9) adresse une longue passe en profondeur à Choe Il Son (n°15). Esseulée au moment de contrôler le ballon, elle reçoit le soutien de quatre partenaires qui remontent tout le terrain pour lui proposer des solutions dans la surface, avec un but à la clé.
Résumé
Lors des deux premières journées de Colombie 2024, la RDP Corée s'est montrée farouchement déterminée à investir la surface de réparation adverse. Cette stratégie repose sur des changements de rythme obtenus à l’aide de combinaisons de passes fulgurantes ou de différences individuelles. Toutes les membres de l’effectif maîtrisent le jeu à une touche de balle, atout qui s’avère dévastateur compte tenu des appels incessants effectués devant et sur les côtés.
On constate beaucoup d’altruisme au sein de l’équipe et un remarquable sens du placement chez chaque joueuse. Il y a une volonté de se sacrifier pour offrir constamment des solutions à la porteuse. Une fois la balle dans le dernier tiers, plusieurs Nord-Coréennes affluent dans la surface pour offrir un éventail d’options à la centreuse et conclure en une touche ou reprendre les seconds ballons.