Forte d’une méthodologie de collecte de données spécifique, l’équipe Analyse des performances et tendances du football de la FIFA est en capacité de mesurer ces variables sur différentes phases de jeu. Ici, Pascal Zuberbühler s’appuie sur les données recueillies afin de mettre en lumière le positionnement des gardiennes présentes à Paris 2024 lorsque leurs partenaires avaient la possession du ballon dans les 30 mètres adverses.
Évolution par rapport à la Coupe du Monde 2023
Durant le Tournoi Olympique de Football féminin 2024, les gardiennes et leur ligne défensive ont évolué plus haut quand leur équipe était en possession du ballon dans le dernier tiers que pendant la Coupe du Monde Féminine de la FIFA 2023™ (de la phase de groupes aux demi-finales, incluses, dans les deux cas). En revanche, la distance moyenne entre les gardiennes et leurs arrières est restée sensiblement la même.
Ainsi, les numéro 1 ont évolué en moyenne à 28 mètres de leur ligne sur ces phases de jeu à Paris 2024, contre 24,2 mètres à Australie & Nouvelle-Zélande 2023, soit une différence de 3,8 mètres. De la même façon, les lignes défensives se trouvaient à 57,4 mètres de leur ligne de but, ce qui constitue une augmentation de 3,6 mètres. Si les gardiennes comme leurs arrières jouent donc plus haut quand leur équipe a le ballon dans le dernier tiers adverse, la distance qui les sépare, elle, reste quasiment la même : 29,4 mètres aux Jeux et 29,6 mètres durant la Coupe du Monde, soit un écart de 0,2 mètre seulement.
Cela n’a pas échappé à Pascal Zuberbühler, spécialiste des gardiens du Groupe d’étude technique.
« C’est une évolution très intéressante et les données viennent confirmer ce qu’on voyait sur le terrain », affirme-t-il. « Les équipes jouent plus haut, et je parle aussi bien du bloc que des différentes lignes au sein de ce bloc. De ce fait, de nombreuses joueuses peuvent venir apporter leur soutien en phase offensive, ou participer au contre-pressing à la perte du ballon. Le fait que les gardiennes elles aussi soient plus avancées signifie qu’il y a une partenaire supplémentaire pour faire tourner le ballon et sortir des zones de pressing. Mais cela implique également que les gardiennes doivent être capable de défendre l’espace dans le dos de leurs arrières. Pour cela, elles doivent être attentives à la distance qui les sépare de leur ligne défensive. »
Défendre l’espace
Lorsqu’une équipe est en possession du ballon dans les 30 mètres adverses et que sa ligne défensive évolue haut sur le terrain, il y a nécessairement plus d’espace dans le dos de cette dernière. Les derniers remparts ont donc un rôle essentiel à jouer pour gérer la profondeur en cas de transition défensive. Il n’existe pas de règle fixe concernant la position à adopter dans ce cas de figure, l’essentiel étant de réussir à couvrir cet espace et à le défendre, indépendamment du placement adopté.
Exemples
Zuberbühler propose différents exemples de défense de l’espace en s’appuyant sur les vidéos ci-dessous.
Kailen Sheridan – Canada
« Dans le premier extrait, on voit Kailen Sheridan (n°1) défendre l’espace après que son équipe a perdu le ballon haut sur le terrain. Dès que les Néo-Zélandaises récupèrent la possession, elles enchaînent quelques passes vers l’avant pour ensuite se projeter dans le dos de la défense canadienne, très avancée. Mais, comme les Nord-Américaines s’y attendaient, Sheridan est restée au contact de ses partenaires et c’est elle qui récupère le ballon, à 32 mètres de sa ligne de but. Elle comprend que l’adversaire à la réception de la deuxième passe ne va pas tirer au but et qu’elle peut donc rester avancée, gérer la profondeur et récupérer la balle. Deux partenaires se proposent dès qu’elle récupère le ballon, ce qui lui permet de délivrer une passe à l’extérieur du premier rideau néo-zélandais. Cette passe constitue le point de départ d’une action débouchant sur un but. »
Cata Coll – Espagne
Dans la deuxième vidéo, la situation est légèrement différente puisque Cata Coll (n°13) part d’une position plus reculée. Ses coéquipières perdent le ballon à la suite d’un corner et la Colombie cherche alors à se projeter rapidement vers l’avant. Linda Caicedo (n°18) monte balle au pied tandis que les défenseures espagnoles les plus proches cherchent à la ralentir pour permettre à leurs partenaires de revenir et d’aller occuper l’espace entre le ballon et leur but. Elles parviennent dans un premier temps à mettre la porteuse sous pression, l’empêchant au passage de tenter sa chance de loin. Mais dès que Caicedo réussit à repiquer dans l’axe et à se sortir de la densité, Coll recule immédiatement jusqu’à la limite de sa surface. L’attaquante colombienne opte alors pour une passe en profondeur dans le dos de la défense adverse. Consciente qu’elle n’est plus exposée au risque d’une tentative lointaine, Coll remonte rapidement, ce qui lui permet de gagner 6 mètres et d’arriver la première sur le ballon. Sa latérale gauche lui propose immédiatement une solution et Coll effectue une passe en une touche dans sa direction.
Cette action met en évidence l’importance de la relation gardienne-défenseures. « L’entente entre la gardienne de but et les joueuses de champ est fondamentale », explique Zuberbühler. « Les défenseures doivent savoir que leur gardienne se chargera de protéger l’espace dans leur dos, et la gardienne doit pouvoir compter sur ses partenaires pour lui proposer des solutions qui lui permettront de verticaliser. »
Chiamaka Nnadozie – Nigeria
La troisième et dernière vidéo montre une intervention de Chiamaka Nnadozie (n°16) après un pressing haut mal négocié par son équipe. Le long ballon colombien dans le dos de sa défense la place dans une position délicate. Au moment où le ballon rebondit, la centrale droite nigériane est au duel avec une attaquante adverse. Toutes deux sprintent en direction du ballon tandis que Nnadozie se trouve à 22 mètres de sa ligne.
La communication et la capacité à prendre une décision rapidement jouent un rôle essentiel dans ce genre de situation, comme l’explique Zuberbühler : « Ici, Nnadozie n’a qu’une fraction de seconde pour analyser la situation. Elle voit bien que sa défenseure est au contact avec l’attaquante, mais au moment du rebond, elle comprend que le ballon va se rapprocher de la surface et qu’elle sera la première dessus. Elle décide donc de dégager le ballon. Sur cette action, on voit clairement que le placement initial de la gardienne a joué un rôle essentiel dans sa capacité à défendre l’espace. Je l’ai déjà dit, mais il faut faire preuve de courage et d’une très bonne lecture du jeu pour adopter ce type de placement. »
RÉSUMÉ
Lors de ces Jeux, les gardiennes de but et leur ligne défensive ont évolué plus haut que durant la Coupe du Monde Féminine 2023. En revanche, la distance qui les sépare est restée quasiment la même sur ces deux compétitions. Quand les arrières adoptent une position avancée, il est essentiel pour elles de savoir où se situera leur gardienne. Il est également indispensable que les gardiennes et leurs défenseures se fassent confiance et développent des automatismes. Cela permet aux numéros 1 d’intervenir plus tôt, de récupérer le ballon et de le transmettre efficacement.