Gardiennes : comment appréhender les corners

Les corners frappés directement vers la surface de réparation font partie des situations les plus complexes rencontrées par les gardiens et gardiennes de but en match. Le temps de réaction très limité et le fait qu’il s’agisse de coups de pied arrêtés donnent à l’équipe qui attaque un avantage certain en lui permettant de se disposer comme elle le souhaite. De plus, celle-ci aura préalablement travaillé des combinaisons à l’entraînement et pourra donc se coordonner idéalement puisque c’est elle qui lance l’action, tandis que son adversaire doit s’adapter.

C’est désormais une tactique classique sur les corners offensifs : créer de la densité autour du gardien ou de la gardienne pour limiter l’espace d’intervention de l’équipe qui défend et lui donner moins de temps pour réagir à la situation. Pendant la Coupe du Monde Féminine U-17 de la FIFA, République dominicaine 2024™, notre Groupe d’étude technique a noté certaines évolutions intéressantes dans les interventions des gardiennes sur corner par rapport à Inde 2022.

Comme le montrent les graphiques ci-dessous, notre analyse des données des deux compétitions révèle que les gardiennes ont réussi plus d’interventions aériennes en 2024 (70,5%) qu’en 2022 (64,3%) sur les corners adressés directement dans la surface de réparation. L’on notera en outre qu’elles ont réussi davantage d’interventions malgré la pression directe d’adversaires, avec 70,5% d’interventions réussies dans ces conditions en 2024 contre 57,1% en 2022.

Sur corners, les gardiennes totalisent davantage de ballons boxés (+7,1%) et captés (+5,5%), et moins de ballons claqués (-12,6%) que lors de l’édition précédente. D’après Pascal Zuberbühler, du Groupe d’étude technique, cette évolution illustre une plus grande volonté des gardiennes U-17 d’aller au-devant du ballon.

« En 2024, les gardiennes sont intervenues plus fréquemment et avec plus de détermination. Il est toujours complexe pour les gardiens et les gardiennes d’appréhender les corners bottés dans la surface. Cela demande de l’intelligence de jeu, une prise de décision efficace et de la coordination. Il faut adopter une bonne position de départ, avoir une bonne vision d’ensemble de la situation pour voir qui se trouve à proximité ou est susceptible de s’approcher. Il faut aussi pouvoir lire la trajectoire pour aller chercher le ballon le plus haut possible. Il faut ensuite décider s’il est préférable de capter le ballon ou de le boxer », explique-t-il.

(1/2) Sur les corners tirés directement vers la surface de réparation, les gardiennes ont réussi plus d'interventions aériennes en 2024 qu’en 2022. Cela vaut pour la globalité des actions, mais également en cas de pressing direct.

(2/2) En 2024, les gardiennes ont capté et boxé davantage de ballons sur les corners adressés directement dans la surface de réparation.

Ballons captés

Lorsqu’elle décide d’aller capter le ballon, la gardienne doit être sûre de sa capacité à le garder, surtout dans les situations à haut risque. Au-delà de l’aspect purement technique lié aux prises de balle aériennes, le moment où a lieu l’intervention et le score constituent aussi des facteurs à prendre en compte dans le processus de décision. Bloquer le ballon permet à l’équipe de récupérer la possession, ce qui peut constituer un avantage non négligeable. Mais comme l’explique « Zubi », l’intervention choisie doit dépendre avant tout de la physionomie du match.

« Si la gardienne décide de capter le ballon, elle doit être sûre de sa capacité à le garder, surtout quand elle se trouve sous la pression directe d’adversaires. Dans le cas contraire, il est préférable de le boxer. Elle doit être capable de bien lire la situation, mais ses défenseures doivent elles aussi comprendre comment protéger l’espace autour de leur gardienne.

« Capter un ballon aérien est exigeant sur le plan mental comme sur le plan physique. Il faut faire preuve d’explosivité au moment d’attaquer le ballon et s’élever suffisamment pour le capter aussi haut que possible au-dessus des autres joueuses. La gardienne doit par ailleurs être suffisamment solide pour rester gainée après son impulsion, s’étendre le plus possible et résister au contact des autres joueuses. Pendant cette compétition, nous avons vu de superbes prises de balle aériennes de la part de jeunes gardiennes. Elles s’entraînent dur pour pouvoir s’imposer dans ces situations difficiles », ajoute-t-il.

Dans les trois vidéos ci-dessous, Pascal Zuberbühler a choisi quelques bons exemples de prises de balle aériennes sur des corners adressés directement dans la surface.

Dans la vidéo 1, le Japon compte quatre joueuses au marquage des quatre attaquantes polonaises entre le point de penalty et l’entrée de la surface, tandis qu’une défenseure est chargée de protéger la gardienne de la pression de l’attaquante. Deux défenseures japonaises sont également placées dans le prolongement du premier poteau. Sur le centre, Mao Fukuda (n°1) reste en position et évalue très bien la trajectoire du ballon. Sa défenseure la plus proche demeure au contact de l’attaquante pour l’empêcher d’accéder à la zone d’intervention de la gardienne. Cela laisse suffisamment d’espace à Fukuda pour faire un petit pas en direction de l’endroit où elle compte intervenir. Elle prend son impulsion jambe gauche pour s’élever et capter le ballon dans les airs, levant le genou droit pour se protéger et se saisir du ballon avec autorité. Le travail effectué par ses défenseures pour lui permettre de disposer de l’espace nécessaire afin d’intervenir est très important dans cette situation.

La vidéo 2 est un extrait de la finale de République dominicaine 2024. La gardienne espagnole Laia López (n°1) se prépare à négocier un corner rentrant dangereux de la RDP Corée. Quatre défenseures sont disposées autour d’elle dans la surface de but, dont deux à proximité pour protéger son espace d’intervention. Avant le centre, l’Espagne est bien positionnée sur le plan défensif puisque toutes les joueuses adverses sont marquées. Il s’agit d’un ballon très difficile à négocier. Si la gardienne recule d’un pas, elle risque d’entrer avec le ballon dans le but, mais elle juge très bien sa trajectoire. Dans la gauche de son champ de vision, elle aperçoit l’attaquante qui arrive, mais elle reste concentrée sur le ballon, qu’elle capte de façon impeccable.

Enfin, dans la vidéo 3, les États-Unis ont placé leurs dix joueuses de champ dans la surface de réparation, tandis que la RDP Corée n’y compte que cinq joueuses au moment où le corner est tiré. Dans cette situation, le centre est assez favorable à la gardienne dans la mesure où le ballon est très haut et reste en l’air suffisamment longtemps pour permettre à Evan O’Steen (n°21) de bien juger sa trajectoire et de venir prendre le ballon dans le bon timing. Elle garde en permanence les yeux sur le ballon et fait quelques pas sur le côté pour ajuster son placement en fonction de l’endroit où elle compte intervenir. Elle saute dans le bon timing pour se saisir du ballon avec autorité et détermination.

Vidéo 1 : la gardienne japonaise Mao Fukuda (n°1) se coordonne très bien avec ses défenseures de façon à disposer de l’espace nécessaire pour aller capter le ballon.

Vidéo 2 : la gardienne espagnole Laia López (n°1) évalue parfaitement la trajectoire d’un corner rentrant dangereux avant de se saisir du ballon.

Vidéo 3 : la gardienne états-unienne, Evan O’Steen (n°21), s’impose dans sa surface de but avec une sortie aérienne tout en maîtrise.

Ballons boxés

Si la gardienne n’est pas certaine de bloquer le ballon, elle pourra décider de le boxer. L’objectif sera alors de le dégager aussi loin que possible, hors de la surface de réparation, en assurant un impact net et puissant avec le ballon. Les exigences sur le plan physique liées à ce genre d’interventions et la capacité à lire la trajectoire du ballon sont les mêmes que pour une prise de balle aérienne.

D’après Zuberbühler, « un dégagement au poing peut être tout aussi efficace que de bloquer le ballon. Bien sûr, capter le ballon permet de récupérer la possession, mais parfois, dans des situations à haut risque, il est préférable de boxer le ballon plutôt que d’essayer de s’en saisir. Mais il faut savoir s’il convient d’utiliser la main gauche, la droite, ou les deux. Ce sont des facteurs importants et il y a de nombreux éléments à prendre en compte ».

Ci-dessous, « Zubi » a choisi trois exemples de gardiennes U-17 qui choisissent de boxer le ballon sur les corners tirés directement vers la surface de réparation.

La vidéo 4 montre la bonne disposition défensive de la Pologne dans sa surface de but. Il n’y a qu’une attaquante japonaise dans cette zone et elle n’est pas à proximité directe de la gardienne. Les autres Japonaises sont à la limite de la surface de réparation, attendant que le corner soit tiré pour courir vers le but. Ici, Julia Woźniak (n°1) adopte une posture ouverte et tient compte du positionnement des adversaires ainsi que des zones où elles sont susceptibles d’attaquer le ballon. C’est ce qui lui permet de juger correctement de la trajectoire du ballon, adressé au deuxième poteau. Dans la mesure où elle sait que des Japonaises vont attaquer cette zone, elle préfère ne pas prendre de risque et boxe le ballon des deux mains.

Dans la vidéo 5, la gardienne de la Zambie, Mwila Chishala Mufunte (n°18), doit intervenir sur un corner sortant. Deux joueuses défendent en zone au premier poteau, une joueuse est au marquage d’une attaquante dans la surface de but et deux autres défendent en zone entre la surface de but et le point de penalty, tandis que les défenseures restantes sont au marquage sur trois des cinq Brésiliennes à l’entrée de la surface de réparation. Mufunte s’attend à un corner sortant, parce qu’elle sait que la tireuse est droitière, et elle lit parfaitement la trajectoire du ballon, joué long au niveau de ses 5,5 mètres. Elle sort sans la moindre hésitation dans cette zone encombrée et dégage le ballon du poing avec autorité. Elle ne quitte jamais le ballon des yeux et démontre sa volonté de s’imposer dans sa surface malgré la difficulté de la tâche.

Dans la vidéo 6, la gardienne colombienne Luisa Agudelo (n°1) réussit une excellente intervention face à la République de Corée. Ici, c’est une droitière qui tire le corner. Mais au lieu de le frapper rentrant, elle trouve un angle relativement fermé sur cette balle légèrement en cloche qui reste plus longtemps en l’air. Agudelo doit donc attendre un peu avant de prendre son impulsion et elle évalue parfaitement la trajectoire. Bien placée sous la balle au moment où elle redescend, la gardienne attend jusqu’à être sûre de pouvoir boxer efficacement le ballon. Elle fait preuve d’explosivité sur son impulsion, ce qui lui permet de s’élever dans les airs, de trouver le bon point d’impact et d’éloigner le danger. Tout cela malgré la présence d’une adversaire qui saute pour essayer de couper la trajectoire du ballon. Il s’agit d’une situation difficile à négocier, mais la bonne coordination d’Agudelo, sa lecture du jeu et son explosivité lui permettent de réaliser une intervention décisive.

Vidéo 4 : la gardienne polonaise Julia Woźniak (n°1) adopte une posture ouverte qui améliore sa vision périphérique de la surface de réparation, puis dégage le ballon des deux poings.

Vidéo 5 : la gardienne de la Zambie, Mwila Chishala Mufunte (n°18), anticipe le centre sortant et va boxer le ballon avec autorité dans une zone où se trouvent beaucoup de joueuses.

Vidéo 6 : la gardienne de la Colombie Luisa Agudelo (n°1) saute dans le bon timing pour aller boxer un ballon difficile sous la pression des joueuses adverses.

Points à retenir

Appréhender les corners adressés directement dans la surface constitue l’une des actions les plus complexes auxquelles les gardiens et les gardiennes sont confrontés en match. Cela demande une grande intelligence de jeu, une condition physique impeccable et une capacité à prendre des décisions sous pression. Pendant la Coupe du Monde Féminine U-17 de la FIFA, République dominicaine 2024, nous avons remarqué que les gardiennes étaient de plus en plus efficaces sur les interventions aériennes d’une manière générale, et en particulier lorsqu’il fallait intervenir sous la pression de l’adversaire.

Les éléments à prendre en considération sur ce genre de situation sont les suivants :