D’un point de vue collectif, les équipes ont mis en œuvre des stratégies de jeu claires fondées sur la capacité d’adaptation, aussi bien dans le jeu que sur les coups de pied arrêtés. Parfaitement conscientes de leur rôle sur le terrain, les joueuses ont bien intégré les instructions claires données par leur encadrement technique. Notre Groupe d’étude technique et notre équipe Analyse des performances et tendances du football ont assisté à toutes les rencontres de la compétition. Dans cet article, nous allons vous présenter certaines des perspectives les plus intéressantes notées durant le processus d’analyse d’après-compétition.
Buts marqués
Notre étude des buts marqués révèle plusieurs similarités avec les tendances constatées lors de l’édition précédente, il y a deux ans. Au total, 94 buts ont été inscrits contre 95 au cours de la Coupe du Monde Féminine U-17 de la FIFA, Inde 2022™. Les finalistes espagnoles ont affiché l’attaque la plus prolifique avec 19 réalisations, devant les championnes nord-coréennes (14 buts). Médaillées de bronze, les Américaines ont également fini avec la troisième meilleure attaque de la compétition (13 buts).
En 2024, 2,94 buts par match ont été inscrits en moyenne, contre 2,97 en 2022, avec un écart moyen de 2,54 buts par rencontre en République dominicaine contre 2,42 en Inde. En dehors des matches nuls, sept ont été remportés sur la plus petite des marges (contre 12 en 2022) et sept autres avec deux buts d’écart (cinq en 2022). En 2024, aucun match n’a fini sur un écart supérieur à cinq buts, alors que deux rencontres s’étaient achevées avec un écart de six buts ou plus en 2022. Cela montre que, dans l’ensemble, les rencontres ont été plus serrées lors de cette édition.
Timing des buts
En 2024, il y a eu davantage de buts inscrits en première mi-temps comparé à 2022 (45 contre 39). En conséquence, moins de buts ont été marqués en deuxième mi-temps (45 contre 56). Les équipes ont ouvert le score plus tôt : 18 buts ont été marqués durant le premier quart d’heure, contre 12 en 2022. Deux buts ont aussi été inscrits dans les arrêts de jeu de la première mi-temps, un cas de figure qui ne s’est jamais produit en 2022.
Typologie et localisation des buts
Comme le montre le graphique ci-dessous, plus de buts ont été marqués sur passe décisive en 2024 (37,8%) qu’en 2022 (34,4%). Il y a aussi eu davantage de buts inscrits sur des centres (18,9% en République dominicaine contre 16,1% en Inde). En revanche, aucun but n’a été marqué sur coup franc direct en 2024, contre deux en 2022.
Si l’on exclut du décompte les buts contre son camp, l’on constate une importante baisse du nombre de buts marqués depuis l’extérieur de la surface de réparation (20 en 2024, soit 21,5% des buts inscrits, contre 12 en 2022, soit 13,3%). Notre Groupe d’étude technique propose deux explications à ce phénomène. D’une part, les équipes étaient plus soucieuses de se créer des occasions franches dans le dernier tiers du terrain. D’autre part, comme le note Pascal Zuberbühler, les gardiennes se sont montrées bien plus efficaces sur les tirs de loin.
« Il est clair que les gardiennes identifient ces situations très tôt, ce qui leur permet d’adopter une position de départ plus proche de leur ligne afin de compliquer la tâche des tireuses. Elles ont une meilleure condition physique, elles restent bien droites et elles se positionnent au plus tôt. J’ai été impressionné dans ces situations par les petits détails concernant l’orientation des gardiennes, qui leur permettaient de réagir plus rapidement sur les frappes, ou d’ajuster leur placement en fonction des déplacements du ballon. Les parades effectuées par les gardiennes dans le tiers supérieur de leur but ont été plus nombreuses lors de cette édition, ce qui montre clairement une évolution du poste dans cette dimension », conclut-il.
Utilisation de l’effectif et timing des remplacements
Pendant cette compétition, trois des 16 équipes en lice ont utilisé les 21 joueuses de leur effectif. L’Espagne (finaliste) et l’Angleterre (quatrième) l’ont fait sur les six matches disputés, tandis que l’Équateur a fait appel à toutes ses joueuses pendant ses trois matches de groupe. Les États-Unis (troisième) et la RDP Corée (vainqueur) ont utilisé respectivement 20 et 19 de leurs 21 joueuses. Ce sont les équipes présentant la meilleure profondeur de banc qui sont allées le plus loin dans la compétition.
Les remplacements effectués en première mi-temps ont été plus nombreux qu’en 2022 (5,2% contre 1,6%). Ils étaient généralement liés à des blessures, mais le Groupe d’étude technique a noté qu’un certain nombre étaient d’ordre tactique. Le volume des remplacements effectués à la mi-temps dans l’édition 2024 (18,4%) est resté inchangé par rapport à 2022 (18,5%), mais le nombre de changements réalisés dans les arrêts de jeu de la deuxième mi-temps a augmenté (8,9%, contre 6,6% en 2022). Il est intéressant de noter que les contributions du banc en termes de buts et de passes décisives ont fortement diminué en 2024 (15, soit 9,7% du total, contre 34 et 22,2% en 2022) malgré un temps de jeu plus important.
Temps de jeu effectif
Le temps de jeu effectif a considérablement augmenté entre 2022 et 2024. Il y a deux ans, il s’élevait à 48:31 minutes par rencontre, soit 48% de la durée réelle du match. En République dominicaine, il est passé à 53:53 minutes (51,7%).
D’après Vanessa Bernauer, experte du Groupe d’étude technique, « les joueuses sont meilleures balle au pied et possèdent un excellent bagage technique, ce qui leur permet de conserver la maîtrise du ballon même lorsqu’elles sont sous pression. On a pu constater les bonnes habitudes prises par ces jeunes joueuses, comme le fait de lever la tête pour prendre l’information avant de recevoir, d’effectuer le bon contrôle permettant d’échapper au pressing et de choisir efficacement la passe suivante, que ça soit en terme de destinataire et de type de passe. Ces joueuses sont désormais très à l’aise techniquement, et c’est notamment de là que découle l’allongement du temps de jeu effectif ».
L’analyse de Bernauer est confirmée par les données relatives à la maîtrise du ballon. En 2024, les équipes avaient le contrôle du ballon pendant 45,3% du temps de jeu réel total en moyenne, contre 40% en 2022. La part du temps de jeu pendant lequel le ballon était disputé est passée de 7,9% à 6,4%.
AVEC BALLON / STYLES DE JEU
L’analyse du temps de possession des différentes équipes lors de chacune des huit phases de jeu avec ballon permet d’apprendre certaines choses sur le style de jeu qu’elles pratiques. Ce sont les finalistes espagnoles qui ont le plus privilégié la possession (62,1% de possession en moyenne sur l’ensemble de leurs matches), tandis que la RDP Corée n’a eu le ballon que 40,9% du temps. Cela suffit à prouver que différents styles de jeu peuvent permettre d’aller loin dans la compétition. L’Espagne aime avoir le ballon et prendre son temps pour construire, tandis que la RDP Corée adopte au contraire une approche très directe fondée sur la rapidité d’exécution. Parmi les quatre demi-finalistes, les Nord-Coréennes sont les seules à avoir fait ce choix, les États-Unis et l’Angleterre préférant aussi avoir la possession.
Comme le montre le graphique 7 ci-dessous, seuls le Kenya (9%) et le Nigeria (12%) ont passé moins de temps à construire de derrière que la RDP Corée et la Zambie (13%). À l’inverse, le Mexique (34%) et la République de Corée (31%) sont les équipes à avoir le plus opté pour des phases de construction basse. L’Espagne (22%) et le Japon (21%) ont consacré une partie plus élevée de leur temps avec ballon à construire au milieu du terrain, tandis que le Nigeria (21%) et la RDP Corée (20%) ont surtout développé leur jeu dans le dernier tiers.
Le Kenya a passé 42% de son temps de possession en transition offensive, soit la part la plus élevée de toutes les équipes de la compétition, devant la Pologne, le Brésil et l’Équateur (30%). Là encore, dans une véritable opposition de styles, la RDP Corée a passé 29% de son temps avec ballon en transition offensive, contre 15% pour l’Espagne.
Le graphique 8 en est l’illustration parfaite : la RDP Corée, future championne, est adepte des attaques directes rapides vers le but adverse, avec moins de passes par séquence de possession. À l’inverse l’Espagne, son adversaire en finale, est l’équipe qui a fait progresser le jeu vers l’avant le plus lentement de la compétition, avec le nombre de passes par phase de possession le plus élevé, en application d’une approche de construction patiente.
Sans ballon
De la même manière, le style de défense adopté se reflète dans le temps passé dans chacune des neuf phases sans ballon. Comme le montre le graphique 9 ci-dessous, les équipes ont passé plus de temps à défendre en bloc organisé, qu’en effectuant des pressings. La RDP Corée est l’équipe qui a passé la plus grande partie de son temps sans ballon en transition défensive (26%). Lorsqu’elle avait le temps de se réorganiser, elle a généralement privilégié les blocs médians (23%). De son côté, l’Espagne a passé la majeure partie de son temps sans ballon à effectuer des transitions défensives (31%) et du contre-pressing (22%).
Pour mesurer la capacité d’une équipe à récupérer le ballon proche du but adverse, nous avons combiné le pourcentage de pressings exercés dans le dernier tiers avec le nombre de récupérations réussies par tranches de 30 minutes sans ballon. Le niveau moyen d’efficacité pour l’ensemble de la compétition était de 9,8 récupérations (par tranche de 30 minutes sans ballon) avec 15% de pressings exercés dans le dernier tiers du terrain. Comme le montre le graphique 10 ci-dessous, le Nigeria et l’Espagne ont fait partie des équipes les plus efficaces en termes de pressing dans les 30 derniers mètres, tandis que le Kenya, la République de Corée, la République dominicaine et la Pologne ont rarement opté pour un pressing dans cette zone. Il est intéressant de noter que, malgré leurs conceptions légèrement différentes du pressing, la RDP Corée et l’Espagne figurent parmi les équipes les plus efficaces dans le pressing et les récupérations dans le dernier tiers du terrain.
Compléments d’analyse de la compétition
Outre les informations présentées dans la vue d’ensemble de la compétition, notre Groupe d’étude technique et l’équipe Analyse des performances et tendances du football se sont penchés sur les tendances suivantes, constatées lors de la Coupe du Monde Féminine U-17 de la FIFA, République dominicaine 2024 :