#Tournoi Olympique de Football masculin

Espagne : le profil tactique des champions olympiques

Le Groupe d’étude technique, 4 sept. 2024

FIFA
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L’Espagne a remporté le titre olympique en battant les hôtes français 5-3 au terme d'une finale haletante au Parc des Princes. Dans cet article, le Groupe d’étude technique de la FIFA met en évidence certaines caractéristiques du jeu espagnol qui ont permis aux Ibères de s’imposer.

Ancien international français et actuel membre du Groupe d’étude technique, Ibrahim Ba estime que le triomphe de l’Espagne repose sur plusieurs éléments. « Les Espagnols ont fait preuve d’une grande sérénité et ils n’ont jamais modifié leur façon de jouer. Ils avaient défini des stratégies précises en phase de possession et en phase de récupération, avec des schémas préférentiels clairement identifiables. Ils ont maîtrisé leurs matches et ont souvent donné l’impression d’avoir un ou deux coups d’avance sur leurs adversaires dans la construction. Chaque fois qu’un Espagnol avait le ballon, il pouvait compter sur les déplacements de plusieurs partenaires. Ces courses permettaient de créer des espaces et d’offrir des solutions au porteur, mais elles indiquaient également que les joueurs en mouvement savaient ce qu’ils feraient s’ils recevaient le ballon. Cette capacité à prendre des décisions rapides et cette intelligence de jeu ont parfois mis les adversaires en difficulté, d’autant que l’Espagne avait des joueurs suffisamment techniques pour délivrer des passes précises, même en cas de pressing direct. »

Avec ballon

L’Espagne aimait avoir la maîtrise du jeu. Elle a d’ailleurs passé 53,4% de son temps de possession à construire, ce qui représente le deuxième taux le plus élevé de la compétition. Également deuxième en termes de temps passé à progresser, elle affiche en revanche le plus faible taux de temps passé à contre-attaquer (respectivement 26,5% et 0,79% de son temps avec ballon). L’Espagne occupe par ailleurs la deuxième place du classement d’appels entre les lignes en phase de construction, avec une moyenne de 52,2 solutions proposées dans le dos des adversaires pour 30 minutes avec ballon. 

Les champions olympiques totalisent le plus grand nombre de lignes cassées (115,9 pour 30 minutes avec ballon) et le plus grand nombre de passes vers l’avant réussies (287,5). Ils comptent en outre le plus faible nombre de phases de possession (129 pour 30 minutes avec ballon), ce qui montre bien leur capacité à conserver le ballon. They were also ranked first for forward passes completed (287.5) and had the lowest number of possession sequences (129 per 30 minutes in possession) indicating how well they could maintain possession once they had it. En termes de verticalisation dans la moitié de terrain adverse, seule la France a fait mieux que l’Espagne, avec 171,6 passes reçues dans le dernier tiers pour 30 minutes avec ballon contre 145,6 pour la Rojita.

Créer des espaces et générer le surnombre

Kirsty Yallop explique comment les joueurs de Santi Denia sont parvenus à obtenir de telles statistiques.

« Les déplacements et les permutations des trois milieux axiaux espagnols expliquent en grande partie la capacité de l’équipe à construire et à progresser vers le dernier tiers. Leurs adversaires ont eu un mal fou à les contenir, à les suivre et à les empêcher d’aller occuper les espaces qu’ils ont su créer. Les appels des joueurs positionnés devant le ballon visaient à déséquilibrer la défense en obligeant les arrières à dézoner, ce dont profitaient les attaquants espagnols pour prendre d’assaut les espaces libérés », précise Yallop. 

« C’était impressionnant à observer, surtout avec des joueurs aussi à l’aise balle au pied, capables de contrôler et de transmettre efficacement dans des espaces réduits et malgré le pressing direct effectué par leurs adversaires. Les vidéos ci-dessous montrent bien qu'il s’agit d'une équipe très complète. »

Dans le premier extrait, nous voyons l’Espagne construire patiemment jusqu’à obtenir un avantage numérique (8 contre 4) dans le couloir droit, grâce à la présence d’un de ses défenseurs centraux et de ses trois milieux axiaux, venus aider le latéral et l’ailier, suivis de près par des adversaires. They do this by bringing a centre-back and the three central midfielders into the wide channel to support their full-back and wide forward that are occupied by opposition players. Même lorsqu’ils sont à nouveau à égalité numérique à proximité du ballon, les Espagnols bénéficient d’un surnombre dans les zones plus avancées, un ailier et un milieu axial leur permettant de se retrouver à 2 contre 1 face au latéral gauche japonais.

Dans la vidéo 2, nous voyons que la Rojita s’appuie sur deux milieux centraux pour générer le surnombre en phase de construction. Alors que l’Espagne se prépare à remettre le ballon en jeu, Pablo Barrios (n°6) se trouve déjà très bas, prêt à servir d’appui. Au moment où le Japon déclenche son pressing haut, Álex Baena (n°10) décroche à son tour pour proposer une solution à son gardien, libérant au passage un espace conséquent devant. Une fois servi, Baena se retourne et repère l’appel de Juan Miranda (n°3) dans l’espace qu’il vient de libérer. Il passe alors le ballon à son latéral gauche, libre de le remonter sur 50 mètres avant de transmettre à son tour.

Enfin, la vidéo 3 illustre à la perfection la capacité de Barrios, Baena et Fermín López (n°11) à être constamment en mouvement et à proposer des solutions. Le jeu en triangle et la coordination entre les trois milieux de terrain ressortent clairement dans leurs déplacements, qui permettent à l’Espagne d’être en supériorité numérique sur chaque ligne à mesure que leurs partenaires cherchent à construire et progresser. Cette activité incessante, destinée à proposer constamment des solutions, à créer des angles de passe et à perturber les rideaux défensifs adverses, est récompensée par le but de Fermín. Lancé dans le dos de la défense française, ce dernier génère en effet un surnombre ; libre de tout marquage, il peut conclure aisément sur la passe de Baena.

Vidéo 1 : les trois milieux espagnols vont occuper le couloir pour générer le surnombre.
Vidéo 2 : face au Japon, les milieux espagnols s’emploient à créer le surnombre en phase de construction et à libérer des espaces pour leurs partenaires.
Vidéo 3 : les combinaison des trois milieux de l’Espagne en phase de construction, de progression et de finition débouchent sur un but.

Sans ballon

L’Espagne ne s’est pas limitée à une unique solution lorsqu’il s’agissait de récupérer le ballon. Elle a, au contraire, utilisé différentes approches en fonction des différentes phases de possession adverses. Ainsi, la Rojita a opté pour un pressing haut sur les coups de pied de but et n’a pas hésité à déclencher un contre-pressing agressif quand cela était nécessaire et possible.

Comme la plupart des équipes, l’Espagne a généralement évolué en bloc bas ou médian en phase de récupération. En revanche, les joueurs ont fait preuve d’une volonté de varier les approches au sein de ce bloc et d’une capacité à choisir la plus appropriée en fonction de la situation. L’Espagne est d’ailleurs l’équipe ayant enregistré le plus grand nombre de pressings directs toutes phases défensives confondues (62,5 pour 30 minutes sans ballon) et elle se classe troisième pour ce qui est du nombre d’actions défensives et de tacles (133,7 et 41 respectivement).

« Les Espagnols ont su faire les bons choix et se montrer efficaces défensivement dans différentes situations », affirme Yallop. « Ils ont mis en place des blocs compacts et solides mais ont parfois évolué trop bas, notamment contre la France, ce qui encourageait leurs adversaires à monter. Malgré tout, ils parvenaient à maintenir leur structure défensive et à agir de façon coordonnée quand ils repassaient en bloc médian ou bas, comme on le voit dans les vidéos ci-dessous. Ils avaient mis en place des signaux spécifiques et chaque joueur savait quand il fallait opérer un pressing intense ou partiel et quand il valait mieux se replier pour protéger l’espace. Each player knew when to apply pressure, when to push on to support pressure and when to drop off and protect space. Il convient aussi de souligner la détermination des Espagnols chaque fois qu’ils décidaient d’effectuer un pressing direct. »

Vidéo 4 : organisée en 4-2-3-1, l’Espagne adopte un bloc médian et va au pressing uniquement sur la base des signaux définis préalablement.
Vidéo 5 : en finale, les Espagnols se sont regroupés autour d'un bloc bas pour contenir les attaques françaises.

L’apport du gardien de but

Les gardiens de but jouent un rôle essentiel dans chaque équipe, et Arnau Tenas (n°23) n’a pas été en reste dans cette compétition. Spécialiste du poste au sein du Groupe d’étude technique, Pascal Zuberbühler met en lumière certaines interventions clés et quelques traits de la personnalité du portier de 23 ans qui lui ont permis de faire la différence à plusieurs reprises tout au long du parcours des Espagnols. 

Mentalité

« Un grand gardien doit avoir une forte personnalité et être capable de répondre présent à des moments clés dans les gros matches. Ça a été le cas de Tenas, qui a particulièrement brillé en finale », analyse Zuberbühler.

Dans la vidéo 6, la France ouvre le score à la 11e minute à la suite d’une mauvaise évaluation de la situation de la part de Tenas sur la frappe d’Enzo Millot (n°12). Il peut être compliqué pour un gardien de se remobiliser après avoir commis une erreur à un moment clé d’un match important. Pourtant, Zuberbühler souligne la force de caractère et la détermination de Tenas sur le reste de la rencontre.

« Ce genre d’erreur peut peser lourd dans la tête d’un gardien, surtout quand l’adversaire joue devant un public acquis à sa cause. Mais Tenas s’est immédiatement remis dans le match, ce qui prouve qu’il est très solide mentalement. Les Espagnols se sont ressaisis et ont marqué trois buts en première période, mais ont beaucoup subi avant la mi-temps. C’est là que Tenas est intervenu en réalisant plusieurs parades difficiles et cruciales. Dans la vidéo 7, on le voit adapter constamment sa position à mesure que la France développe son attaque. Il est extrêmement concentré et il ne pense plus du tout à son erreur. Il adapte parfaitement son placement en montant d’un cran et en se rapprochant de son premier poteau quand les Français écartent le jeu. C’est ça qui lui permet de réaliser cet arrêt à bout portant et de préserver les deux buts d’avance de son équipe juste avant la pause », analyse Zuberbühler.

« Il n’a pas forcément été très sollicité sur certains matches, mais il a répondu présent en finale, et ce malgré son erreur en début de rencontre. Il a fallu se remettre dedans et il y est parvenu. Le fait que la finale ait eu lieu au Parc des Princes l’a peut-être aidé étant donné qu’il évolue au PSG. Il était donc un peu chez lui, il avait ses repères, même si c’est la France qui jouait à domicile. Cette capacité à rebondir après son erreur est impressionnante. C’est essentiel pour les gardiens d’avoir un tel mental. »

Vidéo 6 : Tenas concède un but après avoir mal évalué la trajectoire du ballon.
Vidéo 7 : Tenas réalise une parade cruciale en fin de première période et permet à l’Espagne de conserver ses deux buts d’avance.

Des parades décisives

Le rôle premier du gardien est d’empêcher l’adversaire de marquer ; c’est là qu’il peut véritablement faire la différence. Tenas s’illustre dans cet exercice à la 71e minute, avec un nouvel arrêt décisif.

« Dans la vidéo 8, Tenas s’interpose une fois de plus alors que le score est toujours de 3-1 », explique Zuberbuhler. « On voit qu’il reste proche de sa ligne et qu’il lit parfaitement l’action. Quand Manu Kone (n°6) entre dans la surface, Tenas est déjà en position, proche de son premier poteau. Il réagit très vite pour se coucher sur sa droite et dévier le tir. C’est un arrêt très difficile, sur une frappe rapide et puissante, mais Tenas a eu la main ferme. This is a very big save, especially because the strike at goal is made with such pace and power. Sa vitesse de réaction et son explosivité sont impressionnantes. »

La vidéo 9 est extraite du quart de finale face au Japon. L’Espagne perd le ballon aux abords de sa surface, mais Tenas est vigilant et prêt à intervenir. Dès qu’il voit que son défenseur est battu, il comprend qu’il devra gérer une situation de un contre un et s’avance vers Mao Hosoya (n°11). Ces quelques pas lui permettent de réduire l’angle de frappe de l’ailier japonais. Tenas se met en position, prêt à intervenir, et il réalise un superbe arrêt en déviant le ballon de sa main gauche.

D’après Zuberbühler : « Tenas répond présent dans les grands matches. Sa personnalité, sa concentration et son mental lui permettent de sortir de gros arrêts dans les moments importants. C’est un gardien qui aide son équipe à gagner des points en phases de groupes, par exemple, et à rester dans le match. Son placement et ses prises de décision sont excellents. De plus, il est agile et explosif, ce qui lui permet de réagir rapidement si nécessaire. »

Vidéo 8 : Tenas réalise une parade cruciale sur une grosse occasion de Manu Kone.
Vidéo 9 : Tenas comprend qu’il va devoir gérer une situation de un contre un ; il se prépare en conséquence et parvient à dévier le tir japonais.

Distribution

Zuberbühler a également été impressionné par la capacité de Tenas à prendre des décisions rapides et à distribuer le jeu. Ces qualités, de même que sa lecture du jeu et sa mentalité, ont pu être observées en finale contre la France. 

À la toute fin de la prolongation, l’Espagne tentait de préserver son petit but d’avance (4-3) face à une équipe de France déterminée à égaliser pour s’offrir une chance de disputer les tirs au but. Comme nous le voyons dans la vidéo 10, huit joueurs français se trouvent dans la surface espagnole ou à ses abords immédiats lorsque l’attaque des Bleuets avorte. Tenas sait que le match est sur le point de se terminer. Il pourrait donc décider de laisser le ballon sortir et de relancer le jeu depuis un coup de pied de but afin de grappiller quelques précieuses secondes. Mais le portier espagnol a parfaitement pris l’information et repéré une possibilité de contre. 

Il voit en effet que son attaquant, Sergio Camello (n°21), se situe légèrement plus haut que les derniers défenseurs français, mais dans sa propre moitié de terrain. Tenas s’empare alors du ballon, sprinte jusqu’à la limite de sa surface pour permettre à Camello d’attaquer la profondeur et effectue une longue relance à la main parfaitement dosée dans la course de Camello. Ce dernier peut donc rester sur sa lancée et exploiter au mieux cette passe pour crucifier le gardien adverse sur sa deuxième touche de balle. Tenas threw a beautifully weighted long pass forward straight into Camello’s path, meaning the forward did not have to break his stride before scoring with his second touch of the ball. 

« C’est la preuve d’une très grande intelligence de jeu et ça a assuré la victoire à l’Espagne », affirme Zuberbühler. « Quelle vista, et quelle qualité d’exécution ! Mais une fois de plus, ce qui me frappe, c’est sa mentalité. Au lieu de laisser sortir le ballon et de ralentir le jeu pour gagner du temps, il repère une possibilité de libérer son équipe et il génère une occasion de but à lui tout seul. Sa communication et le fait qu’il ait compris l’avantage que représentait le placement de Camello par rapport aux derniers défenseurs français montrent qu'il était complètement dans le match et qu’il joue la gagne. »

Vidéo 10 : Tenas repère une possibilité de contre-attaque en toute fin de prolongation et il alerte Camello qui marque le but du 5-3 sur la passe décisive de son gardien.

Résumé

L’Espagne avait mis en place des stratégies offensives et défensives clairement définies en fonction des différentes phases de jeu de ses adversaires. Les joueurs ont démontré leur capacité à opérer collectivement en proposant différentes solutions et à les mettre en place au bon moment en fonction de la situation. Ils savaient comment créer des espaces et les exploiter en tenant compte des structures défensives adoptées par leurs adversaires. Ils pouvaient s’appuyer pour cela sur leurs trois milieux de terrain, qui n’ont pas ménagé leurs efforts afin d’apporter le surnombre dans les lignes défensives adverses.

Les Espagnols ont par ailleurs fait valoir leur aisance technique qui leur a permis de donner et recevoir pour mettre en place leurs schémas offensifs, et ce même lorsqu’ils étaient obligés d’évoluer dans des espaces très réduits tout en faisant face à un pressing direct. Ils ont également démontré leur capacité à se remettre rapidement dans la rencontre après un épisode défavorable, ce qui prouve que cette équipe a de la personnalité à revendre et qu’elle ne s’avoue jamais vaincue. 

Les éventuelles rotations ou les changements opérés en cours de match n’affectaient d’ailleurs pas la cohésion de l’équipe. Au contraire, l’apport des remplaçants a souvent pesé dans la balance, et ce tout au long de la compétition.

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