À l’exception du Japon, toutes les formations comptaient des joueurs de plus de 23 ans à Paris 2024. Le Groupe d’étude technique et l’équipe Analyse des performances et tendances du football se sont penchés sur l’influence de certains de ces joueurs.
« C’était intéressant de constater l’importance de certains joueurs hors catégorie, notamment en termes d’expérience », explique Sue Ronan. « C’est souvent l’un d’eux qui a hérité du brassard, et leurs qualités de leaders se sont grandement fait sentir auprès des plus jeunes. Par moments, ils faisaient pratiquement office d’entraîneurs supplémentaires sur le terrain. Il est arrivé que ça soit eux qui décident d’accélérer le jeu ou de le ralentir, mais ils se sont surtout démarqués par leur expérience et par leur influence auprès des joueurs qui évoluaient autour d’eux. Il était également intéressant de se demander ce qui avait motivé leur sélectionneur à les retenir sur le plan purement tactique. »
La plupart des joueurs de plus de 23 ans convoqués peuvent déjà se targuer d'une belle carrière en club et de plusieurs sélections en équipe nationale senior. D’ailleurs, leur influence sur le jeu s’est très rapidement fait sentir, ne se démentant pas tout au long de la compétition. Parmi les joueurs de renom dépassant la limite d’âge à avoir participé à la dernière édition du Tournoi Olympique de Football masculin figurent notamment :
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Julián Alvarez (24 ans) et Nicolás Otamendi (36 ans) – Argentine ;
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Alexandre Lacazette (33 ans) et Jean-Philippe Mateta (27 ans ) – France ;
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Mohamed Elneny (32 ans) et Zizo (28 ans) – Égypte ;
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Naby Keïta (29 ans), Abdoulaye Touré (30 ans) et Amadou Diawara (27 ans) – Guinée ;
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Achraf Hakimi (25 ans), Munir El Kajoui (35 ans) et Soufiane Rahimi (28 ans) – Maroc.
L’Espagne, future vainqueure, a adopté une stratégie légèrement différente des autres équipes puisqu’elle a fait appel à des joueurs nés quelques mois seulement avant la date limite : Sergio Gómez (23 ans), Juan Miranda (24 ans) et Abel Ruiz (24 ans).
Comment les équipes ont capitalisé sur l’expérience
Malgré un écart d’âge significatif entre certains des joueurs listés ci-dessus, tous ont largement contribué aux performances de leur équipe. Sur les 41 joueurs de plus de 23 ans retenus, 11 ont disputé l’intégralité des matches de leur équipe et 28 ont joué au minimum 75% du total de minutes.
Sur les 16 équipes participantes, 11 comptaient trois joueurs hors catégorie (Argentine, Espagne, États-Unis, France, Guinée, Irak, Israël, Maroc, Nouvelle-Zélande, Ouzbékistan et République dominicaine), quatre en comptaient deux (Égypte, Mali, Paraguay et Ukraine), tandis que seul le Japon n’en comptait aucun. À l’exception d’Israël et de la République dominicaine, qui ont laissé un de leurs trois éléments sur le banc pendant toute la durée de la compétition, toutes les équipes ont donné du temps de jeu à l’ensemble de leurs joueurs de plus de 23 ans.
Gemma Grainger estime que les approches adoptées par les différents pays reflètent leur philosophie.
« Il suffit de regarder le nombre de minutes disputées par les joueurs de plus de 23 ans pour se faire une idée de la vision de chaque équipe. Par exemple, le Japon a choisi de n’en convoquer aucun, ce qui prouve sa volonté de permettre aux moins de 23 ans de se développer. De son côté, l’Espagne a retenu trois éléments à peine plus âgés que leurs coéquipiers (un de 23 ans et deux de 24 ans), tandis que les autres équipes ont opté pour des joueurs bien plus âgés et expérimentés, probablement afin qu’ils aient une influence sur les jeunes joueurs et contribuent à leur développement. »
L’analyse du nombre de minutes disputées par chacun des joueurs hors catégorie et de leur contribution permet de se faire une meilleure idée de leur importance. Le Marocain Soufiane Rahimi a joué la quasi intégralité des matches de son équipe (89,8% de minutes jouées), marquant huit buts (dont quatre sur penalty) et délivrant une passe décisive. Sean Goldberg (Israël) a quant à lui enregistré le plus grand nombre de réceptions sur cette compétition (231), avec une moyenne s’élevant à 92 unités pour 30 minutes avec ballon.
Le Guinéen Abdoulaye Touré est le joueur ayant provoqué le plus grand nombre de pertes de balle pour 30 minutes sans ballon (17,8), tandis que le Paraguayen Diego Gómez est celui ayant totalisé le plus de passes clés (5,1) pour 30 minutes avec ballon.
Les membres du Groupe d’étude technique se penchent ci-dessous sur quatre joueurs de plus de 23 ans ayant – chacun à leur façon – apporté une contribution intéressante.
Soufiane Rahimi –Maroc
L’attaquant marocain de 28 ans a marqué l’histoire des Jeux Olympiques en devenant le premier joueur à trouver le chemin des filets sur six matches au cours d’une seule et même édition, soit le nombre maximal de rencontres pouvant être disputées dans la compétition. Le pensionnaire d’Al Ain a ainsi inscrit huit buts au total, dont quatre sur penalty.
Son efficacité à la conclusion et ses prestations en général ont largement contribué au beau parcours des Lionceaux de l’Atlas, médaillés de bronze à Paris 2024. Outre ses buts, Rahimi a en effet délivré une passe décisive et totalisé 3,2 tirs cadrés en moyenne pour 30 minutes avec ballon. Il a aussi été le joueur de plus de 23 ans ayant proposé le plus de solutions dans le dos de la défense pour 30 minutes avec ballon (28,3).
« L’efficacité de Rahimi dans cette compétition a été impressionnante, mais sa contribution ne s’est pas limitée à ses buts », souligne Grainger. « Les données mettent en évidence son activité et les solutions qu’il a proposées lorsque le Maroc avait le ballon. Avoir un coéquipier avec un tel volume de jeu devant peut vraiment faire la différence en phase de possession, et on a vu qu’il a énormément contribué à générer des occasions. Son état d’esprit et sa capacité à répéter les efforts dans le dernier tiers en ont fait un véritable point d’ancrage pour son équipe. Par ailleurs, il n’a pas hésité à prendre ses responsabilités et à se présenter lui-même au point de penalty, se montrant au passage très efficace dans cet exercice. »
Sergio Gómez – Espagne
L’ailier de la Real Sociedad a joué un rôle clé dans la prestation des Espagnols, futurs champions olympiques. Son dynamisme offensif et l’intelligence de son placement ont largement contribué à la capacité de son équipe à changer le jeu et à échapper au pressing. En plus de fixer les latéraux droits adverses, il s’est parfaitement entendu avec Juan Miranda, son arrière gauche. Cela a fortement aidé l’Espagne à générer le surnombre lorsqu’elle se projetait dans les 30 derniers mètres.
Gómez a passé 618 minutes sur le terrain durant les JO, ce qui correspond à 91,8% du temps de jeu total de son équipe. Il a par ailleurs totalisé un but, une passe décisive et 3,2 tentatives de cassages de ligne défensifs pour 30 minutes avec ballon, réussissant en outre 80% de l’ensemble de ses tentatives de cassages de ligne. Gómez n’a pas été en reste sur le plan défensif, forçant pas moins de dix pertes de balle pour 30 minutes sans ballon.
Comme nous le voyons dans la vidéo 2 ci-dessous, la qualité et la précision de son pied gauche ont également constitué une arme offensive non négligeable sur coup de pied arrêté.
Comme l’explique Anna Signeul : « C’est un joueur qui se caractérise par une grande aisance technique, ce qui en fait un élément très polyvalent. Il est intelligent tactiquement et possède une excellente lecture du jeu. Il arrive à voir quand des espaces peuvent être créés et comprend comment parvenir à les créer. De plus, il a régulièrement offert des solutions au porteur lorsque l’Espagne essayait de se sortir de la densité et d’échapper au pressing adverse. Il a une très bonne conduite de balle et possède un pied gauche très précis, ainsi qu’un large éventail de passes. Il a donc toutes les qualités pour distribuer le jeu. »
Jean-Philippe Mateta – France
.. L’avant-centre de 27 ans a inscrit cinq buts et tenté 4,2 tirs par tranches de 30 minutes avec ballon, faisant mieux que les autres joueurs hors catégorie et terminant même à la dixième place du classement général de la compétition dans cet exercice. Le joueur de Crystal Palace, qui évolue en Premier League, a passé 592,6 minutes sur le terrain, soit 84,7% du temps de jeu total de la France. Il fait partie des joueurs qui se sont le plus proposés dans le dos de la défense adverse, offrant 25 solutions pour 30 minutes avec ballon.
« Mateta a largement contribué au parcours des siens », affirme Gemma Grainger. « Il a disputé pratiquement l’intégralité des matches de son équipe et son influence sur le jeu de la France était évidente, en particulier lors des phases offensives. He played a high proportion of minutes and was very influential for his team, particularly in their attacking phases. Ses appels dans le dos de la défense ont permis aux Bleuets de se montrer dangereux lorsqu’ils cherchaient à verticaliser. Son objectif était d’étirer le bloc adverse et il y est parvenu, mettant les défenseurs adverses en grande difficulté. Il s’orientait rapidement vers le but une fois servi et il a su générer des occasions en essayant de jouer en un minimum de touches de balle. »
Dans la vidéo 3 ci-dessous, Mateta inscrit un superbe but. Il convient de mettre en évidence sa capacité à partir dans le bon timing et la qualité de sa finition.
Achraf Hakimi – Maroc
Achraf Hakimi, qui compte déjà plus de 75 sélections avec l’équipe « A » du Maroc, a fait partie des trois joueurs hors catégorie à disputer les Jeux avec les Lionceaux de l’Atlas. . Âgé de 25 ans seulement, le latéral droit du Paris Saint-Germain jouit déjà d’une vaste expérience dont il a su faire profiter les siens. Désigné capitaine, il a en effet disputé l’intégralité des matches de son équipe, soit 636,6 minutes de jeu, durant lesquels il a marqué deux buts, délivré une passe décisive et affiché une moyenne impressionnante de 75,3 de passes reçues par tranches de 30 minutes de possession marocaine. .
Il a également joué un rôle clé lorsque son équipe était à la récupération, avec une moyenne de 11,4 pertes de balle forcées pour 30 minutes sans ballon, ce qui le place à la septième place du classement, tous âges confondus.
« L’influence d’Hakimi ne se limite pas à ses statistiques avec et sans ballon », précise Sue Ronan. « Sur certains de ses premiers matches de la compétition, le Maroc a cherché à jouer très vite, mais Hakimi a su faire parler son expérience en ralentissant le rythme quand il le fallait. Il communiquait sans cesse avec ses partenaires plus jeunes et n’a pas ménagé ses efforts pour récupérer le ballon et lancer l’offensive. Ses qualités techniques lui ont permis de faire remonter le ballon, mais également d’aider son équipe à échapper au pressing adverse. Par ailleurs, il a su faire appel à son expérience pour obtenir des coups francs lorsqu’il se retrouvait isolé devant. Sa science du jeu a permis à ses jeunes coéquipiers de comprendre quand accélérer le rythme et quand le ralentir afin que l’équipe puisse souffler. Il a eu une influence considérable sur son équipe. »
Résumé
Les équipes ont fait appel à des joueurs hors catégorie aux profils différents. Certains ont été retenus pour leur expérience, d’autres pour leur apport tactique. Sur les 41 joueurs de plus de 23 ans convoqués, 13 seulement ont disputé moins de 75% du temps de jeu total de leur équipe.
En revanche, tous ont eu une influence considérable en phases offensive et défensive. Leur expérience, leur intelligence de jeu et leurs qualités de leaders ont frappé les membres du Groupe d’étude technique dès le début de la compétition. Il était intéressant d’intégrer jusqu’à trois éléments hors catégorie à l’effectif, d’autant que pour certaines équipes, c’était l’occasion d’avoir une sorte d’entraîneur sur le terrain, prêt à aider les jeunes joueurs dans leurs prises de décision et dans leur gestion du match.