Pascal Zuberbühler a observé les deux premières sorties américaines. Il en a tiré quelques conclusions intéressantes sur l’approche de la construction chez les Stars and Stripes.
« Les Américains maîtrisent parfaitement leur jeu de passes, ce qui permet à l’ensemble des joueurs de participer à la construction. Les joueurs de champ bénéficient d’un excellent soutien en la personne du gardien Patrick Schulte (n°1). La variété et la précision de ses passes lui permettent d’alerter les coéquipiers démarqués lorsque ses adversaires montent au pressing sur lui. »
« Les États-Unis exploitent toute la largeur du terrain, que ce soit à l’occasion d’un dégagement aux six mètres ou à la récupération du ballon. À la construction, ils alternent habilement patience et audace ; ils n’hésitent pas à adopter un jeu plus direct dès que la configuration s’y prête. Si, au contraire, aucune solution ne se dessine vers l’avant, ils repartent de derrière pour entamer une nouvelle action. En outre, les éventuels remplacements n’ont pas d’incidence sur leur tempo. Chaque joueur sait exactement ce qu’il a à faire et où il doit se trouver pendant la phase de construction. »
Étirer le bloc adverse et utiliser la profondeur
Au début de la phase de construction, les Américains commencent par étirer leur formation en remontant et en utilisant toute la largeur du terrain. Ils optimisent ainsi les espaces à leur disposition et compliquent la tâche de l’adversaire, lorsque celui-ci cherche à imposer un pressing direct. La vitesse d’exécution contribue à l’efficacité de cette solution. En outre, les appels incessants des autres joueurs de champ offrent beaucoup de solutions au porteur.
Pour que le ballon progresse dans la profondeur, il faut que l’ensemble de l’équipe soit prête à l’accompagner vers l’avant. Les États-Unis évitent de laisser le porteur isolé. Ils préfèrent faire tourner le ballon jusqu’à ce qu’une occasion de casser les lignes se présente, afin de progresser dans le camp adverse. La présence de joueurs en soutien est essentielle à la dynamique offensive.
Les vidéos ci-dessous illustrent quelques-unes des caractéristiques du jeu américain.
« On peut voir ici que le gardien est très impliqué dans la construction et que tous les joueurs sont à l’aise avec le ballon. On remarque qu’ils cherchent à utiliser la largeur du terrain et qu’ils conservent une posture la plus ouverte possible, de façon à avoir un maximum d'options une fois servis. C’est notamment le cas du défenseur central gauche, Walker Zimmerman (n°3), lorsqu’il reçoit le ballon de son gardien. Il rejoue avec Schulte, ce qui incite les Néo-Zélandais à augmenter l’intensité de leur pressing. »
« C’est une situation critique car il s’agit d'un 3 contre 3, à proximité du but américain, dans lequel le gardien est directement impliqué. Ce qui m’intéresse dans cette séquence, c’est l’appel de l’arrière gauche John Tolkin (n°5). Il recule en voyant l’adversaire monter au pressing. Ce faisant, il offre une solution au gardien, ce qui lui permet de casser une première ligne. Il joue tout de suite vers l’avant et renverse le jeu côté droit pour profiter pleinement de la largeur. Immédiatement, quatre joueurs américains se portent vers l’avant pour accompagner l’action. »
On retrouve les mêmes principes dans la vidéo 2 : à la suite d'un dégagement sur un corner offensif, les Américains font circuler le ballon. Si le risque paraît trop important ou si le destinataire se retrouve isolé, ils préfèrent utiliser la largeur du terrain avant de renverser le jeu une fois l’adversaire attiré sur un côté. Leur qualité technique et leurs appels astucieux leur permettent de déjouer le pressing adverse par un jeu en triangle rapide.
Tirer profit de l’agressivité néo-zélandaise
Voyant leurs adversaires opter pour un pressing haut, les États-Unis ont délibérément tenté de retourner cette stratégie à leur avantage. Non contents d’exploiter toute la largeur du terrain, ils ont volontiers pris la profondeur pour profiter des espaces libérés par les Néo-Zélandais. En phase de construction, les défenseurs américains ont souvent choisi de reculer pour attirer les attaquants néo-zélandais. Avec l’aide de leur gardien, ils ont ainsi contribué à désorganiser la formation adverse. Une fois le pressing déjoué, les Américains ne se sont pas privés d’exploiter ces espaces entre les lignes.
« Les défenseurs et le gardien américains sont très à l’aise balle au pied. Ils n’ont pas eu peur d’inviter le pressing adverse à proximité de leur propre surface de réparation », estime Zuberbühler. « Tolkin, l’arrière gauche, a souvent réussi à se faire oublier, devenant ainsi une solution privilégiée pour la relance. Sortis du pressing, les milieux axiaux ont fait preuve d’une grande habileté dans les transmissions. Toute ceci a permis aux États-Unis de désorganiser la formation défensive néo-zélandais pour mieux la transpercer. »
Sur l’ensemble du match, les États-Unis ont réussi 11 passes échappatoires, exercice dans lequel Tolkin et l’ailier gauche Paxten Aaronson (n°11) se sont particulièrement illustrés avec trois passes chacun. De plus, les États-Unis ont cassé les lignes à 56 reprises sous le pressing adverse. Là encore, Tolkin a joué un rôle important avec dix franchissements à lui seul. Les Américains ont également reçu 118 passes entre le milieu de terrain et la défense de la Nouvelle-Zélande. Le milieu Jack McGlynn (n°16), entré en jeu à la 36e minute, occupe la première place de ce classement avec 16 réceptions. L’avant-centre Griffin Yow (n°9), remplacé à la 56e minute, en compte pour sa part 11.
La vidéo 3 montre comment les États-Unis s'y sont pris pour étirer la formation défensive néo-zélandaise. Les défenseurs reculent vers leur gardien, de façon à appâter les attaquants adverses. Schulte, le gardien, attire le pressing à lui. Pendant ce temps, l’arrière gauche Tolkin se libère grâce à ses déplacements intelligents et à ses appels variés en fonction du point de pression. Les attaquants américains ne sont pas en reste ; ils redescendent fréquemment entre le milieu et la défense de la Nouvelle-Zélande pour être servis. Les milieux de terrain, quant à eux, sont là pour soutenir les actions et faciliter la recherche d’autres points de pénétration.
Changement de point de pénétration
Un autre aspect important du jeu américain concerne la capacité des joueurs à varier les points de pénétration au moyen de transversales. Après avoir effacé la première ligne de défense, les milieux axiaux avaient pour mission de ventiler le jeu vers le côté opposé pour exploiter l’infériorité numérique néo-zélandaise et profiter de la présence de joueurs américains excentrés.
Les États-Unis ont ainsi procédé à 14 renversements de jeu dans ce match, contre trois pour la Nouvelle-Zélande. Le milieu central Tessmann (n°8) a largement contribué à cet effort, avec cinq renversements.
La vidéo 4 illustre cette tendance. Les Américains déjouent le pressing et renversent le jeu. Immédiatement, plusieurs joueurs reculés viennent soutenir l’attaque. Plusieurs éléments sont nécessaires pour mener à bien une telle action : la vitesse d’exécution, les qualités techniques indispensables pour maintenir sa précision malgré le pressing adverse et, enfin, des appels judicieux des joueurs en soutien. La variété et la vitesse des appels contribuent à compliquer considérablement la tâche des défenseurs qui se replacent.
Résumé
En exploitant au maximum la largeur et la profondeur du terrain, les États-Unis ont considérablement perturbé la structure défensive néo-zélandaise. Confiants dans les qualités techniques des 11 joueurs présents sur le terrain, ils n’ont pas hésité à encourager le pressing adverse afin d’ouvrir des espaces entre les lignes. Les Américains ont su en profiter pour multiplier les services entre les lignes et renverser le jeu intelligemment. Ils ont ensuite tiré le meilleur parti de ces situations grâce à des appels offensifs tranchants.